Voulue ou fortuite, la coïncidence est évidente : la Résolution 2277 du Conseil de sécurité des Nations-Unies a été adoptée le jour même où, à Kinshasa, le G7 clôturait son premier congrès par la désignation de Moïse Katumbi en qualité de candidat à la présidentielle. De quoi rappeler une autre coïncidence, celle du 10 mars entre la publication du projet d’adoption de la résolution provisoire du parlement européen initiée par Maria Arena et les déclarations d’Olivier Kamitatu, en charge des Relations extérieures au G7, reprises presque mot à mot par l’eurodéputée. Mais, la nouvelle Résolution des Nations Unies ressemble plutôt à l’arbre qui cache la forêt : elle engage la responsabilité directe et totale de la RDC dans le rapatriement des Fdlr alors que la gouvernance institutionnelle congolaise est affectée par l’insécurité à l’Est due principalement aux groupes armés étrangers…
A l’analyse de la Résolution 2277, il se dégage l’impression du «copier-coller».
Premier exemple : l’opposition radicale rejette l’initiative du Gouvernement de réduire les effectifs de la Monusco. Constat : le Conseil de sécurité décide justement du maintien de ces éléments. Résultat : au point 25 de cette résolution, l’organe principal de l’Onu « Décide que la MONUSCO maintiendra un effectif maximum autorisé de 19.815 militaires, 760 observateurs militaires et officiers d’état-major, 391 policiers et 1.050 membres d’unités de police constituées », soit au total 22.016 éléments. Il considère que « toute reconfiguration de la Mission devra être arrêtée en fonction des progrès accomplis dans les priorités stratégiques, à savoir la protection des civils et la stabilisation de la situation, grâce à la mise en place d’institutions étatiques opérationnelles, professionnelles et responsables et grâce à l’appui à la création de conditions propices à la tenue d’élections pacifiques et crédibles dans les délais prévus ».
Deuxième exemple : en réaction à l’annonce par le président du Bureau de la Céni Corneille Naanga, de son intention de saisir la Cour constitutionnelle pour prolonger le calendrier électoral au-delà de l’échéance 2016 à la suite des contraintes techniques avérées, le G7 enjoint le Conseil de sécurité de «donner un mandat plus fort à la Monusco, notamment pour le respect des droits de l’homme et la stabilisation de la démocratie ». De quoi rappeler le plaidoyer d’Olivier Kamitatu du 26 février 2016, à l’émission «Regards sur… » de Barabra Nzimbi, pour l’élargissement du mandat de la Monusco «aux questions de logistique et de monitoring des élections » et pour la désignation d’«un délégué ou un envoyé de la MONUSCO pour l’organisation des élections» au motif que «la CENI a fait allégeance à une famille politique », la Mp en l’occurrence.
Résultat : le Conseil de sécurité, dans sa nouvelle résolution, invite certes à la Monusco « à fournir une assistance technique et un soutien logistique pour la révision des listes électorales et pour la tenue des élections », mais soumet cependant ce soutien à une évaluation permanente « en fonction des progrès accomplis par les autorités congolaises dans la conduite des opérations électorales ». C’est à croire que l’Onu confirme l’allégeance de la Céni et rend le Pouvoir responsable de la gestion de la question électorale (et non plus la CENI) !
A partir du troisième exemple, le Conseil de sécurité se laisse prendre dans l’engrenage de la contradiction. Tenez ! D’un côté, il « invite (…) la Commission électorale nationale indépendante à publier un calendrier complet révisé couvrant la totalité du cycle électoral » et, de l’autre, il «demande au Gouvernement de la RDC d’élaborer rapidement un budget et un code de conduite pour les élections et d’actualiser les listes électorales en toute régularité afin que les élections puissent se tenir dans les temps, en particulier la présidentielle et les législatives de novembre 2016 ».
Or, il est notoirement établi que ni l’élaboration du code de conduite, ni l’actualisation des listes électorales ne relèvent de l’autorité gouvernementale.
Quatrième exemple confirmant cet engrenage dans la contradiction : d’une part, le Conseil demande « à toutes les parties prenantes d’engager un dialogue politique ouvert et sans exclusive sur la tenue de l’élection présidentielle, conformément à la Constitution » et, d’autre part, au point 10 exactement, il souligne «l’importance d’un dialogue véritable pour que les élections présidentielle et législatives soient pacifiques, crédibles et conformes à la Constitution ».
Or, dans les résolutions précédentes (2098, 2147 et 2211), le Conseil de sécurité préconise le Dialogue pour le processus électoral complet et non pour une seule échéance. Du reste, la Centrale électorale est à la recherche d’un consensus politique qui soit le plus large possible avant de confectionner le calendrier dont question.
La naïveté d’un Mukwege ou d’un Katumbi
En réalité, la Résolution 2277 a tout de l’arbre qui cache la forêt, comme indiqué dans le chapeau. Car, bien que l’accent soit mis sur les élections et sur le respect des droits de l’homme, l’Onu sait pertinemment bien que la situation sécuritaire qui prévaut à l’Est affecte la gouvernance institutionnelle aux plans politique, économique et sociale.
A elle seule, cette situation n’est un élément attractif ni pour les investissements, ni pour des élections, encore moins pour la justice distributive.
Aussi, le Conseil de sécurité a beau se féliciter de la reprise des opérations militaires entre les Fardc et la Monusco, il a beau condamner « fermement tous les groupes armés opérant dans la région et les violations du droit international humanitaire et d’autres normes applicables du droit international ainsi que les atteintes aux droits de l’homme qu’ils commettent », il a beau épingler « notamment les attaques contre la population civile, le personnel des Nations Unies et les intervenants humanitaires, les exécutions sommaires, les violences sexuelles et sexistes et le recrutement et l’utilisation généralisés d’enfants, contraires au droit international applicable » et il a beau réaffirmer « que les auteurs de tels actes doivent être amenés à en répondre », il n’en reste pas moins que cela ne suffit pas. Toutes les résolutions prises à la suite de l’Accord de Lusaka de 1999 sont demeurées lettre morte par la volonté du Conseil de sécurité.
On en veut pour preuve l’exigence imposée, au point 17 de la nouvelle résolution, aux Fdlr, aux Adf, à la Lra et à tous les autres groupes armés de mettre immédiatement « fin à toutes les formes de violence et autres activités déstabilisatrices, notamment l’exploitation des ressources naturelles ». Le Conseil de sécurité en appelle à la démobilisation de leurs membres, au dépôt des armes en leur possession et à la libération des enfants soldats encore présents dans leurs rangs, tout en rappelant ses résolutions 2198 de 2015 et 1807 de 2008.
Mais, ce qui est curieux, c’est qu’il n’a jamais organisé véritablement la Force onusienne, en 16 ans d’opérationnalisation en RDC, pour la neutralisation de ces groupes en s’appuyant sur le point 8.2.2. du chapitre 8 de l’Accord de Lusaka relatif au Rétablissement de la paix. Au sous-point a, la mission de la Force onusienne est de « traquer et désarmer les groupes armés » cités au chapitre 9. Il s’agit d’ex-Far et de milices Interahamwe devenues Fdlr, des Adf, de la Lra, de l’Unrf II, du Funa, des Fdd, de Wnbf, du Nalu et de l’Unita. Par contre, cette force se cabre dès que les Fardc décident d’opérer unilatéralement ou dès que le Gouvernement exige la réduction de ses effectifs.
Résultat : le Conseil de sécurité se moque éperdument du peuple congolais. Cela est d’ailleurs clairement démontré au point 19 de sa résolution lorsqu’il réaffirme la nécessité de la neutralisation des Fdlr « si l’on veut offrir stabilité et protection à la population civile de la République démocratique du Congo et de la région des Grands Lacs » ! Le Conseil rappelle, il est vrai, les méfaits de ce groupe armé « dont les dirigeants et les membres comprennent des auteurs du génocide de 1994 perpétré contre les Tutsis au Rwanda, au cours duquel des Hutus et d’autres personnes qui s’opposaient au génocide ont également été tués, et continuent de promouvoir et de commettre des tueries fondées sur des facteurs ethniques et d’autres massacres au Rwanda et en République démocratique du Congo ».
Paradoxalement, il engage « le Gouvernement de la République démocratique du Congo, épaulé par l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs, à dialoguer avec les acteurs régionaux en vue de trouver une solution durable au problème posé par le rapatriement des membres des FDLR qui ont été désarmés et de leur famille, et préconise la poursuite du désarmement des chefs et des combattants des FDLR ».
Pourtant, aux sous-points d et e point 8.2.2. du chapitre 8 de l’Accord de Lusaka, la Force onusienne se charge du «rapatriement» des éléments désarmés et de l’élaboration de «toutes les mesures (persuasives ou coercitives) jugées appropriées pour atteindre les objectifs de désarmement de rassemblement, de rapatriement et de réintégration dans la société des membres des groupes armés ».
En d’autres mots, l’Onu se décharge de sa responsabilité sur les autorités congolaises actuelles ou futures (via les élections).
Il faut avoir la naïveté d’un Mukwege et d’un Katumbi pour penser que la solution aux violences qui se commettent à l’Est du fait des groupes armés réside dans l’alternance politique en RDC.
La RDC pointée d’un doigt accusateur
La situation sécuritaire à l’Est, on en est conscient, est pour beaucoup dans la perturbation du processus électoral et la perpétration des violations des droits humains.
Prenons le cas précis et éloquent des jeunes des mouvements «Filimbi» et «Lucha» nés au Nord Kivu, province congolaise actuellement la plus menacée du pays.
Au nom du concept noble de la démocratie, ces jeunes semblent ne pas réaliser qu’ils déstabilisent par leurs revendications l’action hypersensible combinée de l’Appareil sécuritaire national (Armée, Police et Renseignements) menée contre les groupes armés nationaux et étrangers.
Relayés par des acteurs politiques et des activistes de la Société civile qui, au nom du même concept noble de la démocratie, ont naturellement un autre agenda, et se croyant dans un spectacle pour vedettariat animé par des médias étrangers, ils se mettent, peut-être sans le vouloir ni le savoir, au service des intérêts favorables à Kampala et à Kigali, tout compte fait…
Résultat : c’est la RDC qui est pointée d’un doigt accusateur en raison des effets soi-disant négatifs de son processus électoral sur la région des Grands Lacs pendant que l’Ouganda et le Rwanda ont en commun le processus électoral le plus déstabilisateur de la sous-région, voire de la région.
Mise sous tutelle de la RDC
Au fait, pour comprendre les contradictions dans lesquelles s’enferme le Conseil de sécurité, il y a lieu de consulter le “Rapport Afrique N°2255 mai 2015” produit par l’ONG belge International Crisis Group (Icg) sous le titre “Congo : l’alternance démocratique est-elle possible ?“. Ce rapport contient les mêmes termes que la résolution !
Dans ses recommandations, Icg demande par exemple au Gouvernement d’«Affirmer son engagement à respecter la Constitution, en particulier la limite de deux mandats présidentiels et l’échéance des élections présidentielle et législatives“, de “Garantir le droit à la liberté d’expression pour la population, la société civile et l’opposition et s’abstenir de harceler et d’arrêter les opposants“, de “Mettre à la disposition de la CENI les ressources financières nécessaires, et ce de façon transparente” et d'”Ouvrir un dialogue inclusif sur la nature et la rapidité de la décentralisation, et en particulier sur la mise en place des autorités locales qui organiseront les élections locales dans le futur“.
Elle recommande à la communauté internationale d’”Evaluer et vérifier les avancées dans le processus électoral, comme prévu par la résolution 2211 du Conseil de sécurité, et suspendre le soutien au processus électoral et aux forces de sécurité congolaises si le président et le gouvernement continuent de tergiverser sur le respect de la limite de deux mandats ». Sa position est qu’«En cas d’importants retards et de violation flagrante du principe des deux mandats», il y a lieu pour l’Onu de «revoir l’aide publique au développement et envisager la révision du mandat de la Monusco” !
Dans une chronique publiée en réaction à ce rapport sous le titre « Processus électoral : Une ONG belge pour l’annulation des arriérés électoraux ! », la déduction tirée de la dernière recommandation est que «Cette révision – on n’a pas à être prophète pour la deviner – va dans le sens d’une mise sous tutelle de la RDC car on ne trouve pas une autre alternative». Surtout quand on connaît les ravages économiques et sociaux de la suspension de la coopération structurelle entre 1990 et 1007.
Moralité : lorsqu’une société savante comme le Conseil de sécurité de l’Onu semble trouver son compte dans des incohérences et des contradictions aussi flagrantes, c’est qu’elle est de plein-pied dans l’exécution d’un plan n’ayant rien à voir, mais alors rien du tout avec le processus démocratique.
La résolution 2277 est donc menace avérée pour la souveraineté de la RDC, pas seulement pour la Majorité au pouvoir !
LE MAXIMUM AVEC Omer Nsongo die Lema