Théophile Bemba, ci-devant ministre de l’Enseignement Supérieur et Universitaire, peut se frotter les mains. Il est parmi les plus gros contributeurs du Budget de l’Etat. Quand l’Etat n’espère que 175,8 milliards de FC, soit un peu moins de 190 millions de dollars des pétroliers producteurs en 2016, l’ESURS est à même de collecter près de 195 milliards FC soit près de 210 millions de dollars pour le compte du Trésor public.
Les contributions de l’ESU dans le budget de l’Etat ont augmenté de manière spectaculaire ces trois dernières années, de 120,7 milliards de FC en 2014, elles sont passées à plus de 125 milliards en 2015 pour titiller les 195 milliards de FC en 2016. La raison est toute simple : l’ESU-business. Il pleut des universités et des instituts supérieurs en RDC, un peu comme ces églises dites de réveil ou encore des «ligablos », ces micro-commerces qui pullulent au coin des rues des cités populaires de Kinshasa.
Plus de 1.000 universités et instituts supérieurs.
Au dernier recensement qui remonte à près de 5 ans, la RDC comptait 1.030 universités et instituts supérieurs. A l’époque, l’alors ministre de l’ESU, Mashako Mamba, s’était fermement engagé à purger le secteur et à lui redonner ses lettres de noblesse. «Dans certaines universités, on a trouvé, râlait le ministre, des étudiants qui donnaient cours à d’autres étudiants». Hélas, Mashako n’aurait guère bénéficié du soutien du gouvernement dans sa croisade. D’aucuns parmi ses collègues l’auraient même soupçonné de fermer des universités et instituts supérieurs, dont le CIDEP-Université ouverte de Kinshasa, des provinces de l’Ouest au profit de ceux de l’Est. Vint Bonaventure Chelo, une catastrophe scientifique défénestrée du gouvernement, officiellement, pour «manquements graves», que d’aucuns ont interprété par «corruption passive». Après un intérim de Maker Mwangu (EPSP), voilà Théophile Bemba qui revient aux affaires, à son poste d’antan. Lui qui avait été accusé d’avoir de bric et de broc fait de l’Université de Bandundu une extension de l’Unikin… Alors que les instituts supérieurs et les universités avaient derechef commencé à champignonner … sur base des motivations plutôt politiques, électoralistes que scientifiques. Pour créer une université et/ou un institut supérieur, il suffit juste d’acheter un vade-mecum contenant les pré-requis et requis pour ouvrir un établissement d’enseignement supérieur à 40 dollars, introduire son dossier auprès des services du ministère de l’ESU pour 100 à 250 dollars, et payer 5.000 dollars de frais d’agrément. Sans compter naturellement d’autres frais « invisibles » pour s’épargner des chinoiseries administratives.
ESU-business.
A l’extrême, 15.000 dollars sont nécessaires pour ouvrir son ESU-business. La rentabilité est à plus de 100% assurés, grâce aux inputs qu’offre, de manière crescendo, ces cinq dernières années, l’EPSP : au bas mot 300.000 diplômés d’Etat l’an dont 75% tiennent, enfer ou ciel, à aller à l’université, en fait à poursuivre les études postsecondaires. Si dans les universités publiques, les frais d’études oscillent entre 350 et 500 dollars, chez les privés, on culmine jusqu’à 850 dollars. Selon l’ordonnance-loi n°13/002 du 23 février 2013 fixant la nomenclature des droits, taxes et redevances du pouvoir central, le ministère de l’ESU perçoit également une quotité pour le compte du Trésor public sur les frais académique dans les universités et instituts supérieurs publics et privés. Autres frais : les droits de l’octroi d’équivalence de diplôme, les droits d’authentification des titres académiques des universités et instituts supérieurs privés, etc., la taxe de délivrance de l’attestation d’exemption des frais d’études à l’étranger.
Fabriques des cerveaux inutiles.
En RDC, le permis d’ouverture d’un établissement d’études supérieures est assorti d’une période probatoire de 3 ans, à l’issue de laquelle l’établissement est soumis à un contrôle de viabilité par des experts de l’ESU. Outre l’état physique des bâtiments abritant l’établissement d’enseignement supérieur, le contrôle porte surtout sur la qualification du personnel académique et enseignant. A savoir, selon l’UNESCO, il faut un prof pour dix étudiants. Hélas, la moyenne nationale est d’un prof pour 300 étudiants ! Le contrôle porte également sur les matériels didactiques dont la bibliothèque, les labo… l’informatique, ou encore la nature des diplômes à délivrer et le respect des motivations fondamentales qui ont concouru à la création de l’établissement d’enseignement supérieur. Ici, hélas, c’est le capharnaüm. Prof d’université, Emile Bongeli a récemment jeté le pavé dans la marre, qualifiant, dans un ouvrage, les universités et les instituts supérieurs de «fabriques de cerveaux inutiles». Non sans arguments. Bongeli n’a fait que décrire une réalité connue de tous : il y a une criante inadéquation entre la formation et les besoins du marché d’emplois en RDC. Outre le fait que les cotes se monnaient, les espèces sonnantes et trébuchantes l’emportent sur la matière grise. Parlant des notes sexuellement transmissibles, cette étudiante rencontrée sur l’avenue ex-24 novembre fait comprendre que la réussite dépend moins de ses facultés intellectuelles que de sa capacité à enjamber des échecs en écartant largement les jambes devant chaque obstacle. Président du Conseil d’administration des universités de la RDC, Mgr Tharcisse Tshibangu, a eu à déplorer que l’université a cessé d’être le lieu du savoir et de l’excellence. Elle n’a plus des repères et a été rattrapée par les antivaleurs de la société r-dcongolaise véreuse et vénale.
POLD LEVI K.M. MAWEJA