Jeudi 10 mars 2016, le Gouvernement de la RD Congo a réagi, un peu comme piqué au vif, à une déclaration rendue publique 48 heures plus tôt, le 8 mars, par l’Union Européenne. Empreinte d’une solennité inhabituelle, le texte publié prenait soin de préciser qu’il l’était « … en accord avec les Chefs de mission des pays membres de l’Union Européenne en République Démocratique du Congo ». L’UE y appelle le Gouvernement au respect des droits de l’Homme et des libertés civiles pour des élections transparentes, apaisées et crédibles. Mais elle souligne également que l’appel au dialogue politique doit nécessairement aller de pair avec le droit de tous de s’exprimer librement. Avant de se déclarer préoccupée par « les rapports faisant état d’actes de harcèlement et intimidations en nombre croissant visant les responsables politiques, des membres de la société civile et des médias » (lire ci-contre).
L’hallali n’a pas fait plaisir au gouvernement. Son porte-parole, Lambert Mende Omalanga, a réagi à travers un point de presse (lire également ci-contre). Non pas que le Gouvernement soit opposé au respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, du reste prescrits dans la constitution de la République. La réaction de l’exécutif semble plutôt dictée par cette propension des commis de l’occident à enfourcher le premier cheval civilisateur venu pour donner des leçons déjà entendues et qu’eux-mêmes appliquent en parfaits deux poids deux mesures.
Certes, il n’est pas question de laisser les pouvoirs publics rd congolais malmener arbitrairement de paisibles citoyens. Mais il ne faudrait pas non plus faire passer des agitateurs politiques de tous bords, qui s’appuient sur les principes de protection des droits et des libertés pour fouler aux pieds les lois qui les encadrent. 7 années de transition mobutiste, entre 1990 et 1997, ont prouvé que cela ne sert pas la cause nationale.
En fait de cause nationale, la déclaration de l’UE du 8 mars ne la défend pas du tout. Loin s’en faut. Le nouveau cheval de bataille civilisateur occidental, c’est une certaine forme de démocratie, ainsi que les valeurs qu’elle peut charrier. Son intérêt pour la RD Congo, si intérêt il y a, peut s’avérer passablement relatif. L’exemple libyen est là pour le rappeler aux africains qui l’auraient un peu trop vite oublié.
J.N.
Déclaration locale de lUnion européenne
(8 mars 2016)
La Délégation de l’Union européenne publie cette déclaration en accord avec les Chefs de mission des pays membres de l’Union européenne en République démocratique du Congo.
En cette période préélectorale, le respect des droits de l’Homme et des libertés civiles est crucial afin de permettre des élections transparentes, apaisées et crédibles. L’appel au dialogue politique doit nécessairement aller de pair avec le droit de tous de s’exprimer librement.
L’UE souligne l’importance pour le gouvernement de la RDC de respecter ses engagements dans ce domaine conformément à la Constitution et aux accords que la République démocratique du Congo a ratifiés, y inclus l’accord de Cotonou.
Dans cette perspective, l’Union européenne considère fondamentale la tâche de la MONUSCO, de constater et de dénoncer les violations des droits de l’Homme en application du mandat de la résolution 2211 du Conseil de sécurité.
À cet égard, l’Union européenne est préoccupée par les rapports faisant état d’actes de harcèlements et intimidations en nombre croissant visant des responsables politiques, des membres de la société civile et des médias.
L’Union européenne continuera de soutenir la réforme de la justice à travers son programme afin de garantir à tous les congolais un accès indiscriminé à une justice impartiale qui retrouve la confiance des justiciables, conformément aux lois et à la Constitution.
POINT DE PRESSE DU GOUVERNEMENT
JEUDI 10 MARS 2016
Mesdames et Messieurs de la presse,
À Deux jours de la célébration de la 41ème édition de la journée internationale de la femme, je voudrais souhaiter un heureux mois de mars à toutes les Congolaises qui ne cessent d’œuvrer pour la dignité, la paix et le développement de notre pays. Mes vœux s’adressent plus particulièrement à celles qui ont choisi le noble métier de journaliste qui, dans notre pays a comme nous le constatons, de plus en plus tendance à se féminiser, au grand bonheur du principe de parité contenu dans notre constitution. Le Gouvernement salue et encourage cette présence chaque jour plus remarquée de la gente féminine dans la profession.
La communication de ce jour tournera autour des préoccupations exprimées à nouveau par certains de nos partenaires sur les droits et libertés des citoyens dans notre pays et leur souci de voir notre Gouvernement respecter les dispositions y relatives de notre Constitution ainsi que ses engagements, particulièrement l’Accord de Cotonou. Nous pensons, vous vous en doutez, à la déclaration du 08 mars de la Délégation de l’Union Européenne auprès de notre pays dans ce sens.
Ce sujet a déjà été évoqué ici même il y a quelques jours par le Gouvernement de la République lorsqu’il a exprimé par ma voix son refus d’interférer dans l’administration de la justice, quoiqu’en pensent les uns et les autres, par respect pour notre Constitution, comme cela se fait dans tout Etat de droit.
Nous sommes d’accord avec la Délégation de l’Union Européenne en République Démocratique du Congo lorsqu’elle affirme qu’«en cette période préélectorale, le respect des droits de l’Homme et des libertés civiles est crucial afin de permettre des élections transparentes, apaisées et crédibles. L’appel au dialogue politique doit nécessairement aller de pair avec le droit de tous de s’exprimer librement ». Nous dirons simplement, et ce partenaire ne nous contredira pas, qu’en cette matière de respect des droits de l’Homme et des libertés civiles, il existe des mécanismes non juridictionnels et juridictionnels de protection. Dans notre pays, la mise en œuvre des mécanismes non juridictionnels a été confiée par la loi à la Commission nationale des droits de l’Homme tandis que les mécanismes juridictionnels sont une attribution réservée aux cours et tribunaux de l’ordre judiciaire. C’est ce que stipule expressément l’article 150 de la Constitution lorsqu’elle prescrit que « le pouvoir judiciaire est le garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens. Les juges ne sont soumis dans l’exercice de leur fonction qu’à l’autorité de la loi … ».
Notre constitution, en son article 16, précise en outre, s’agissant des droits de l’Homme et libertés civiles, que « toute personne a droit à la vie, à l’intégrité physique ainsi qu’au libre développement de sa personnalité dans le respect de la loi, de l’ordre public, du droit d’autrui et des bonnes mœurs ».
Pour le Gouvernement, il est important que la lecture de cet article de la Constitution soit globale. En d’autres termes, notre loi des lois protège la liberté individuelle tout en la limitant au respect de la loi, de l’ordre public, du droit d’autrui et des bonnes mœurs. Toute approche sélective d’une disposition constitutionnelle aussi fondamentale n’est pas acceptable car elle est de nature à favoriser des comportements susceptibles de conduire notre société vers des situations d’anarchie, et d’ingouvernabilité dont le pays a le plus souffert au cours de ces cinquante dernières années.
En matière d’administration de la justice, comme dans tous les Etats modernes, la constitution de la République Démocratique du Congo stipule, en son article 149, que « le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Il est dévolu aux Cours et Tribunaux qui sont : la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, le Conseil d’Etat, la Haute Cour militaire, les cours et tribunaux civils et militaires ainsi que les parquets rattachés à ces juridictions ».
Des erreurs n’étant pas exclure dans le fonctionnement desdits cours et tribunaux, l’organisation judiciaire de la RDC a prévu le principe universel de double degré de juridiction. L’idée est de permettre aux seuls juges de corriger le cas échéant les dysfonctionnements constatés du fait d’autres juges. Il importe dès lors d’encourager quiconque aurait à redire à la manière de dire le droit de l’une quelconque de nos juridictions de recourir à des juridictions supérieures. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement engage aussi bien les justiciables que ses partenaires nationaux et étrangers à s’abstenir autant que possible de dénigrer les institutions judiciaires en s’érigeant systématiquement en juge des juges.
Il n’est pas inutile de rappeler à cet égard, la réaction d’un chef d’Etat Américain faisant savoir au monde entier qu’il n’avait pas l’intention de se mêler des affaires judiciaires dans son pays en guise de réaction aux critiques acerbes d’un de ses homologues européens à la justice américaine qui avait appliqué des sanctions financières jugées « disproportionnées » à l’encontre d’un établissement bancaire européen.
En ce qui concerne le rôle de la MONUSCO, évoqué dans la déclaration susmentionnée, de constater et de dénoncer les violations des droits de l’Homme en application du mandat reçu de la Résolution 2211 du Conseil de sécurité, le Gouvernement tient à rappeler son appréciation de l’apport indéniable de cette mission dans l’amélioration de la situation en RDC au cours des dernières années.
Il est heureux que cette mission onusienne, partenaire de plus en plus apprécié du Gouvernement, n’ait pas elle-même eu la prétention de se substituer aux instances judiciaires de notre pays que personne de bonne foi ne pourrait considérer comme incapables de garantir aux Congolais un accès indiscriminé à une justice impartiale.
Nous tenons à réaffirmer que le Bureau Conjoint des Nations Unies pour les Droits de l’Homme qui est un mécanisme de la mission continuera à bénéficier de la collaboration du Gouvernement de la République qui est le premier destinataire de ses rapports et observations.
Il n’est pas juste de croire ou faire croire que les autorités congolaises sont moins préoccupées par les droits fondamentaux de leurs compatriotes que leurs partenaires. À ce sujet, les rapports faisant état d’actes de harcèlement et d’intimidations en nombre croissant visant des responsables politiques et des membres de la société civile et des médias dont il est fait mention dans la déclaration, ne nous laissent pas indifférents, loin s’en faut. Toutefois, ces rapports étant déclaratoires, ils n’ont aucune autorité tant qu’ils n’ont pas été étayés par des faits probants. En attendant, il s’agit de supputations.
Le cas des problèmes liés à l’accès aux lieux de détention par certains de nos partenaires, qui font parfois polémiques, et les critiques acerbes contre les décisions de justice posent aussi problème. Ainsi, il y a peu, contrairement à un accord régulièrement conclu entre le Gouvernement de la RD Congo et la Cour Pénale Internationale en vertu duquel deux prisonniers issus de cette Cour et répondant devant la justice congolaise de faits criminels graves pour lesquels ils n’avaient pas été poursuivis à La Haye ne pouvaient être visités par qui que ce soit qu’avec l’autorisation formelle préalable du Gouvernement congolais, un de nos partenaires s’est cru autorisé de s’arroger le libre accès à ces deux prisonniers, ce qui lui a été naturellement refusé. Il nous paraît quelque peu abusif d’en déduire que la République Démocratique du Congo est devenue une sorte de capitale mondiale de la violation des droits de l’Homme ou un pandémonium.
Nonobstant cet incident qu’il convient de ramener à ses justes proportions, le Gouvernement de la République souhaite que les institutions nationales continuent à recevoir de ses partenaires de la communauté internationale un appui plus utile, qui lui permette d’améliorer les prestations de ses technostructures institutionnelles.
On ne le dira jamais assez, et je vais terminer par là : l’Etat de droit ne gagne rien lorsque les institutions qui en sont le socle sont systématiquement galvaudées, discréditées et en fin de compte fragilisées au lieu de bénéficier régulièrement d’informations pouvant leur permettre de mieux rendre à la communauté nationale les services qu’elle est en droit d’en attendre. D’où la nécessité d’une coopération positive qui reste notre principale revendication de la part de nos partenaires.
Je vous remercie.
Lambert MENDE OMALANGA
Ministre de la Communication et Médias
Porte-parole du Gouvernement