Pour le PNUD, la capitale de la RDC sera la 14ème ville du monde en termes de démographie en 2025. Dans moins de 10 ans donc, Kinshasa représentera un marché de plus de 15 millions des consommateurs. Dont l’essentiel des biens de consommation dépend largement des importations. La RDC n’a pas cependant des projets conçus pour assouvir en interne les besoins futurs de sa capitale, ni pour adapter, à court terme, ses infrastructures multimodales aux prochains flux des importations. Pour Brazzaville, c’est une aubaine.
Le temps, c’est l’argent. Il n’attend pas. De l’autre côté du Pool Malebo, on l’aura vite compris. Au Congo d’en face, le gouvernement s’est lancé dans de colossaux travaux de construction d’infrastructures de transport multimodal… en fonction des besoins de Kinshasa.
L’affirmation est du ministre du Congo-Brazzaville des Voies navigables et de l’Economie fluviale, Gilbert Mokoki. Alors que de l’autre côté du même fleuve, à Kinshasa, la modernisation du beach Ngobila pour deux petits millions de dollars tire en longueur.
Le gouvernement de Brazzaville a engagé, grâce au soutien des bailleurs des fonds, quelque 76 millions d’euros pour rénover le port autonome de Brazzaville ainsi que le chapelet des ports secondaires. Le Congo doit retrouver son rôle de plateforme stratégique régionale, a déclaré, tout confiant, le ministre Gilbert Mokoki, fin août 2015. «…Des études de faisabilité étaient réalisés en fonction notamment des besoins de consommation constatés à Kinshasa…des besoins qui s’annoncent énormes à la démesure de «Kin» dont la population devrait passer de 10 à 15 millions d’ici 2025 ».
Le 27 août 2015, le gouverneur de la ville de Kinshasa, André Kimbuta Yango, a cédé la présidence de la COSPECO (Commission Spéciale de Coopération Kinshasa Brazzaville), au maire de Brazzaville, Hugues Ngwelondele, au terme d’un mandat de deux ans. Hugues Ngwelondele a félicité son collègue André Kimbuta pour «le bilan élogieux non seulement pour les deux villes mais aussi pour les deux pays». Dans l’opinion kinoise, l’on a du mal à se faire une idée du COSPECO et de ses finalités. Toutefois, pour le maire de Brazzaville, aucun effort ne sera ménagé pour consolider les acquis et poursuivre les actions ainsi engagées ensemble». Lesquels?
En tout cas sur terrain, la firme chinoise Sinohydro va livrer aux autorités de Brazzaville, dès le premier trimestre 2016, un linéaire de quais flambant neuf de plus de 1 Km de long…en face de Kinshasa.
Autre projet, le terminal à containeurs juste où sera jeté le pont route-rail que Brazzaville construit à Maloukou juste en face du Maluku de Kinshasa. Outre le Chemin de fer Congo-Océan qui relie le port de Pointe-Noire à Brazzaville totalement réhabilité, Brazzaville est aussi reliée à Pointe-Noire par une voie routière de 8 bandes (4 aller et 4 retour) qui fait jonction avec Congo Océan près de Maloukou. Et juste en face, à Kinshasa, c’est la ZES, zone économique spéciale ainsi que le Marché international de Kinshasa dont les travaux de construction ont été lancés, il y a encore quelques mois, par le Premier ministre Matata Ponyo. En clair, l’import-export de la RDC, du moins son pan Ouest, doit inévitablement dépendre de Brazzaville. Déjà, ce n’est pas une révélation, jusqu’à 60% des importations de la RDC transitent par Pointe-Noire, conséquence non seulement du faible tirant d’eau sur le bief maritime mais aussi de la vétusté des ports dits internationaux de Matadi, Boma et Banana. Alors qu’à Pointe-Noire, Bolloré a investi quelque 570 millions d’euros pour l’érection d’un grand terminal à conteneurs.
Aussi, selon un expert belge, Guy de Keyser, la RDC, un continent dans un continent, a, au regard de sa configuration, plutôt intérêt à faire cavalier solitaire au lieu de se laisser embrigader dans des organisations sous-régionales de type CEEAC, SADC, etc. Guy de Keyser – et sa firme COGEDEV- a mené, sous le «1+4», l’audit de la réforme du commerce extérieur r-d congolais. Le Belge a révélé que le PNUD avait mûri l’idée de construire une seconde voie routière Matadi-Kinshasa. Mais des intérêts français (Bolloré, en fait), s’y sont farouchement opposés, redoutant fort probablement la diminution de l’influence du Port de Pointe- Noire par où transitent 60% du fret à destination de la R-dC. Il sied de relever ici que tous les travaux de redimensionnement du port de Brazzaville ainsi que des autres ports secondaires établis en face de Kinshasa sont, en réalité, pilotés par le groupe français Bolloré à travers le malin petit jeu de filiales. La société Terminaux du bassin du Congo, TBC, qui est au-devant de la scène est une filiale du groupe Necotrans. [Pour mémoire, Necotrans a acheté, fin 2015, la firme de l’ex-Gouv du Katanga moïse Katumbi, MCK, Mining Company Katanga spécialisée dans la logistique minière et dans les transports routiers]. La firme française a tenu, il y a peu, une conférence de presse à Brazzaville, sur ses futures ambitions. Selon un confrère, Bolloré tient ferme à utiliser le fleuve Congo comme une autoroute pour foncer vers le cœur de l’Afrique. En clair, la RDC. Pays où Bolloré avait déjà tenté, vers le milieu des années ‘90, une pénétration sans succès. La firme française lorgne, en effet sur le port de Matadi ainsi que son appendice, le Chemin de fer Matadi-Kinshasa. L’alors Premier ministre, Kengo Wa Dondo n’y avait vu qu’une OPA inamicale à peine qui ne visait que la phagocytose future de l’économie zaïroise par le «petit Congo », comme on disait à l’époque. Bolloré refit son offre en 2010…sans trop convaincre, rapporte une source au ministère du Portefeuille. Puis c’est l’Agence française au développement qui fait don au gouvernement de la RDC via le Comité de pilotage de la réforme des entreprises du Portefeuille, COPIREP, quelque 1 million d’euros. Un don conditionné: l’Agence enjoint, en effet, à l’Etat de faire mener une étude en vue de la mise en place des partenariats public-privé au sein de l’ex-Onatra, devenu SCTP Sa. Le dossier s’est enlisé derechef.
NADINE KINGOMBE