Le secrétaire général de l’ONU, Ban-Ki-moon, a clôturé son séjour kinois jeudi 25 février 2016 sur une exhortation à la fois simple et de bon sens : « Il faut qu’il y ait un dialogue consensuel entre toutes les parties prenantes. Et j’ai encouragé le président (Joseph Kabila) à entreprendre un dialogue inclusif. Toutes les parties que j’ai rencontrées ont indiqué qu’elles souhaitaient participer à un dialogue inclusif. De toutes les façons, il n’y a pas d’autres solutions ».
De fait, le patron de l’ONU qui venait de Bujumbura au Burundi où la communauté internationale suggère laborieusement à Pierre Nkurunziza de dialoguer avec son opposition politique, pouvait se considérer en terrain plus fertile en RD Congo. Mercredi 24 février, Ban-Ki-moon a rencontré tout ce que le pays de Kabila compte d’acteurs socio-politiques d’importance : Joseph Kabila, le Président de la République, les responsables des deux chambres parlementaires, des représentants de l’opposition et de la société civile. Aux uns et aux autres, le secrétaire général des Nations-Unies a recommandé de placer les intérêts de la population au centre des discussions et les a exhorté à œuvrer à un processus électoral inclusif et crédible dans le respect de la constitution.
Au chapitre des intérêts de la population, il est peu probable que le patron de l’administration de l’ONU se fasse entendre de ce qui tient lieu de classe politique en RD Congo. L’histoire lointaine et récente du pays en témoigne, pour l’homme politique rd congolais, rien ne compte s’il n’est pas aux affaires (c’est-à-dire au pouvoir). La longue transition mobutiste, de 1990 à 1997 en est une parfaite illustration. Plutôt que de négocier un partage du pouvoir avec le dictateur, assorti d’élections pluralistes et inclusives, l’opposition politique tirée par le bas par l’UDPS d’Etienne Tshisekedi avait préféré laisser pourrir la situation. Ne laissant ainsi la place qu’aux perspectives de prise de pouvoir par la force armée.
Les mouvements rebelles soutenus par les puissances étrangères qui ont écumé la RD Congo entre 1998 et 2003 (c’est la durée d’un mandat électoral) n’ont pas fait mieux en se partageant le territoire national divisé en quatre parties.
Reste l’exhortation à œuvrer à un processus électoral inclusif et crédible dans le respect de la constitution. L’équation est, elle aussi, complexe. D’abord, à la différence du Burundi, en RD Congo, cela fait quelques bonnes années que le Président Joseph Kabila tente de mettre la classe politique autour d’une table pour baliser l’avenir. Sans grand succès, puisqu’à chaque fois une partie de l’opposition politique s’est opposée à l’initiative. La dernière initiative présidentielle en date était sur la table depuis près d’un an lorsque le secrétaire général de l’ONU est venu tenter de convaincre les acteurs politiques de l’incontournabilité d’un dialogue politique inclusif. Parce que pour les acteurs politiques non aux affaires, qu’on désigne sous l’appellation d’opposants, le dialogue doit baliser la voie vers leur accession au pouvoir, et doit aboutir à l’exclusion de ceux des acteurs politiques qui sont au pouvoir. C’est ce veut dire un parti politique comme l’UDPS, lorsqu’il exige que le dialogue soit convoqué et modéré par un représentant de la communauté internationale. C’est une sorte de principe de tour de rôle qui prévaut dans les esprits ici, et non pas quelque principe de compétition électorale que ce soit.
Dans ces conditions-là, se mettre d’accord pour un calendrier électoral consensuel de le respect de la constitution peut paraître antinomique. En RD Congo, il est avéré qu’il n’est plus possible d’élaborer de calendrier électoral qui ne déborde des délais constitutionnels. Ce à quoi les acteurs politiques sont conviés, c’est donc à convenir de transgressions constitutionnelles consensuelles pour préserver le processus électoral. Il est donc contradictoire d’appeler à la fois au respect de la constitution et au consensus électoral dans le respect de la constitution.
Sur ce point, Ban-ki-moon se sera entremêlé les pinceaux.
J.N.