Un groupe de leaders politiques de l’opposition au pouvoir en place en République Démocratique du Congo regroupés au sein de diverses plates-formes de la même obédience (Dynamique de l’opposition, G7, Dynamique anti-dialogue), ainsi que des activistes des droits de l’homme se sont réunis mercredi 10 février au siège du G7 à la Gombe. Objectif de la rencontre : préparer, à défaut d’une manifestation politique qui n’a pas beaucoup de chance de réussite, une journée ville-morte. Date de l’événement : le 12 février 2016. Les organisateurs appellent les congolais à rester chez eux en mémoire des chrétiens tombés sous les balles de la dictature mobutiste alors qu’ils marchaient pour exiger la réouverture de la conférence nationale souveraine.
Mais de nombreuses contradictions minent l’appel des opposants à la sorte de boycott des activités qu’on appelle ville-morte.
A commencer par cette évocation des chrétiens kinois, effectivement tombés en héros alors qu’ils réclamaient plus de démocratie à travers la réouverture du forum de débats sur l’avenir du Zaïre à l’époque. Il est contradictoire que des acteurs politiques opposés à tout dialogue pour baliser l’avenir en appellent à la mémoire de personnes décédées parce qu’elles réclamaient un dialogue. Les organisateurs de la ville-morte du 12 février sont donc en porte-à-faux de l’idéal qui animait les chrétiens tombés sous les balles de l’armée de Mobutu en 1992. La Dynamique de l’opposition, le G7 et autres Dynamique contre le dialogue ne font donc que de la récupération politique lorsqu’ils invoquent la mémoire des chrétiens.
Les catholiques de la RD Congo, représentés par les évêques de la Conférence Episcopale Nationale du Congo, avaient sans doute flairé ce piège de la récupération lorsqu’ils décidaient, le 5 janvier 2016, d’annuler la marche programmée à cet effet. Dans une correspondance adressée à tous les évêques du pays, Mgr Nicolas Djomo Lola expliquait que « le Saint-Siège nous a fermement recommandé de suspendre les initiatives qui peuvent être manipulées pour des fins politiques ». Il y a donc comme une double escroquerie dans l’appel à la journée ville morte de Kamerhe et ses amis : il est contraire aussi bien à l’esprit des martyres évoqués qu’à la recommandation de Rome répercutée auprès des chrétiens de la RD Congo par la CENCO.
Contradiction aussi que cette présence dans les rangs des appelants à une journée ville-morte d’anciens bourreaux des chrétiens dont la mémoire est invoquée à la rescousse d’une manif’ politicienne. En 1992, Vital Kamerhe de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), était membre du tristement célèbre Front des Jeunes Mobutistes (FROJEMO), et appartenait donc au camp de la dictature. Avec lui, on peut citer le vieux Charles Mwando Nsimba du G7, un acteur politique qui n’a pas quitté le sérail depuis les années ’60, et faisait partie de la territoriale à l’époque. Etre devenu opposants n’exonère pas les anciens mobutistes des crimes commis par leur régime et qu’ils n’ont jamais dénoncés, de mémoire de journaliste.
L’appel à l’observation d’une ville morte le 12 février 2016 n’a donc rien à voir avec les chrétiens morts en 1992, à qui du reste aucun de ces acteurs politiques n’a jamais pensé autrement que pour envoyer d’autres chrétiens dans la rue. C’est une activité politique qui s’inscrit dans le cadre de la déstabilisation du pouvoir en place en RD Congo selon les schémas Burkinabè et Sénégalais. Ce n’est pas par hasard si le trait commun entre les opposants réunis au siège du G7 mercredi dernier consiste en leur récent séjour à l’Ile de Gorée au Sénégal. La ville morte de vendredi est la prémisse d’un mouvement insurrectionnel généralisé. De sa réussite dépend la suite des opérations.
Ci-après le texte intégral de cet appel.
J.N.
Appel au peuple congolais : 16 février 2016 ; journée ville morte
Congolaises et Congolais, Il y a 24 ans, le 16février 1992, plus de 2 millions de femmes et d’hommes ont pris le courage de se lever, avec détermination, pour réclamer la réouverture de la Conférence nationale souveraine, espoir pour l’instauration de la démocratie et d’un Etat de droit dans notre pays, la République Démocratique du Congo. Ils ont eu gain de cause. L’interdiction de la Conférence nationale a été levée et ses travaux se sont poursuivis.
Il y a 10 ans, le 18 février 2006, la Constitution actuelle, qui consacre une démocratie pluraliste était promulguée. Cette Constitution adoptée par plis de 85% de la population a mis fin à la longue crise politique qu’a connue notre pays pendant plusieurs années.
Aujourd’hui, la démocratie est de nouveau menacée et le processus électoral est délibérément retardé par des velléités dictatoriales et des tentatives malveillantes de violer notre Constitution.
Congolaises et Congolais,
Nous, Dynamique de l’opposition, G7, Front Anti Dialogue, organisations de la Société civile, lançons le présent appel pour que, tous, partout où nous nous trouvons, nous manifestons notre attachement à la Constitution de notre pays en observant une journée ville morte le 16 février 2016.
Une journée ville morte pour :
1. honorer la mémoire de nos concitoyens, victimes de la barbarie du 16 février 1992 ;
2. rappeler à Monsieur Joseph Kabila, en tant que Président de la République, qu’il est le garant de notre Constitution et qu’il est, de ce fait, tenu à la respecter et à la faire respecter par tous ;
3. dire non au glissement;
4. dire non au troisième mandat;
5. dire non à la présidence à vie ;
6. dire non à la violation de notre Constitution ;
7. dire oui à l’organisation de l’élection présidentielle dans ‘les délais constitutionnels ;
8. dire oui à l’alternance politique ;
9. dénoncer les atteintes aux libertés fondamentales de notre peuple qui lui sont garanties par notre Constitution.
Pour cette journée, chacun de nous est appelé à se mobiliser pour lancer un sérieux avertissement à Monsieur Joseph Kabila et à tous ceux qui sont tentés par la violation de notre Constitution pour rester au pouvoir à vie.
A cet effet, nous sommes appelés à rester à la maison, à ne pas aller au travail et à ne pas envoyer nos enfants à l’école.
La République Démocratique du Congo est notre patrimoine commun. Nous avons le devoir sacré de lutter, sans peur, pour que la démocratie, la paix, la sécurité et le développement s’y installent durablement.
Kinshasa, le 10 février 2016.