La DGDA (douanes) accuse un gap des centaines des milliers de dollars par rapport à ses assignations pour l’exercice 2015, qui étaient chiffrées à 2.579.943.278.582 FC. Ses réalisations sont justes de 71,42%. Quant à la DGI (impôts), elle a atteint 80% de ses assignations, soit plus de 1.9 mille milliards de FC (environ deux milliards de dollars). Le fisc devrait verser, en 2015, plus de 2,7 milliards de dollars (2.473 mille milliards de FC) au Trésor public. Plus d’un demi-million de dollars font donc défaut. La DGRAD (service parafiscal) a plutôt croulé. Ses recettes oscillent dans les soixante pourcent de ses assignations, soit plus de 620 milliards de FC (622.544.376.946 FC).
Ça n’est plus qu’histoire le PADER, pacte de dédoublement des recettes, que Augustin Matata alors tout nouveau ministre des Finances en 2010, avait convenu avec les directeurs généraux des régies financières… avec succès. Et pourtant, le Premier ministre le sait pertinemment, le potentiel fiscal r-dcongolais, c’est au bas mot 20 milliards de dollars. En dépit de la dégringolade des principales matières premières (cuivre, cobalt, pétrole) exportées par la RDC, les régies financières pouvaient donc encore faire mieux, atteindre et même dépasser leurs assignations respectives. Hélas. Une crise de confiance semble s’être installée depuis entre le gouvernement et ses régies. Le gouvernement s’emploie d’ores et déjà à renforcer le régime «des sanctions positives et négatives à l’égard des agents du fisc et des opérateurs économiques par la libération des montants dus au titre de la rétrocession aux services générateurs des recettes, la répression des agents impliqués dans la fraude et la corruption», a déclaré le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, à l’issue de la 8ème réunion extraordinaire du Conseil des ministres qui s’est tenue le 26 janvier 2016 sous la présidence du Chef de l’Etat, Joseph Kabila. On le sait, le gouvernement s’est doté de 28 mesures dites urgentes pour renflouer les caisses de l’Etat.
Les avoirs des patrons des régies financières
Parmi lesquelles, cette injonction faite aux mandataires des régies financières de déclarer désormais leurs patrimoines avant et après leur mandat. La décision a été prise au nom de la lutte contre la corruption et de l’accroissement des recettes de l’Etat, a fait comprendre le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende.
En clair, Déo Rugwiza, DG de la DGDA, Direction générale des douanes et accises, Lokadi Moga, DG de la DGI, Direction générale des impôts ainsi que Mme Joséphine Swahele, DG de la DGRAD, Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et des participations, et leurs adjoints respectifs devraient dans les prochains jours déclarer leurs avoirs.
En d’autres termes, il pèse de lourdes présomptions de corruption dans le chef de ceux qui sont censés renflouer les caisses de l’Etat. A la Direction générale des douanes et accises, Déo Rugwiza ne s’en cache pas, non plus. A la faveur de la 11ème session des directeurs centraux et provinciaux de la DGDA qui s’est tenue du 19 au 21 janvier 2016 au siège de la Direction générale des douanes et accises à Kinshasa, le DG Rwigiza déclarait que «les rapports des missions de contrôle et d’audit effectués dans les provinces douanières au cours de l’année 2015 ont révélé que les efforts sont encore nécessaires en ce qui concerne l’éthique professionnelle. C’est, peut-être là, le terrain de bataille à mener en 2016…». Pour le ministre des Finances, Yav Mulang, l’environnement international actuel peu favorable, marqué par la baisse des cours des matières premières sur le marché mondial et le ralentissement général des activités économiques, particulièrement celles du secteur minier ne saurait pas tout justifier sur la non-atteinte des assignations de la DGDA. «J’ose espérer que vous vous appliquerez, au cours de vos travaux, à examiner, sans complaisance, les raisons qui entravent une mobilisation plus accrue des recettes ainsi qu’à proposer des mesures concrètes à prendre au niveau interne pour atteindre des meilleurs résultats en 2016, et cela, sans plus continuer à vous soustraire derrière les réformes et autres mesures structurelles attendues du gouvernement», avait martelé Yav Mulang lors de la session des directeurs provinciaux de la DGDA. Avant de poursuivre que «le gouvernement de la RDC attend de la DGDA un engagement citoyen pour accroître les recettes douanières. Engagement qui passe par la lutte contre la fraude et la corruption qui continuent à plomber la mobilisation des recettes».
La Camorra, c’est à Kasumbalesa.
Pour rappel, sur injonction du Premier ministre, Matata Ponyo, le ministre des Finances, Henry Yav Mulang, a instruit et obtenu le 13 janvier 2015, de Deo Rugwiza Magera, le remplacement de tous les responsables de cette régie financière au Katanga à tous les niveaux et à tous les postes douaniers, particulièrement à Kasumbalesa et Whisky, considérés comme la Mecque de la maffia en RDC. Le Premier ministre s’était dit fort estomaqué par l’incurie que manifestait le service de la douane au poste frontalier de Kasumbalesa. Le dg de l’ex-OFIDA avait également effectué un changement de tous les chefs de division exerçant les fonctions de sous-directeur ou d’inspecteur, de tous les chefs de bureau assumant les fonctions de contrôleur ou de receveur principal ainsi que de tous les attachés de bureau de première classe exerçant les fonctions de vérificateur ou de receveur.
Nombre d’opérateurs économiques avaient salué la décision du ministre des Finances l’invitant à l’étendre à d’autres provinces frontalières dont le Kongo central ex-Bas-Congo (Matadi, Boma, Banana…Lufu), l’ancienne Province orientale (Mahagi-Port, Aru) ou encore le Nord-Kivu (Bunagana, Kasindi, Kasenyi…) et à Kinshasa, au Beach Ngobila et à N’djili Aéro.
«Il est inadmissible, fulminait un élu du Nord Kivu, qu’aujourd’hui, alors que toutes les conditions sont réunies pour faire les affaires en toute sécurité, le poste frontalier de Bunagana, important carrefour des activités mercantiles entre le Grand Nord-Kivu et le pan Est de l’Afrique (Ouganda, Kenya), ne rapporte plus que du menu fretin ; alors qu’il réalisait, en temps de guerre, alors sous gestion des desperados du M23, quelque USD 20.000 jour». A présent qu’ils sont en ligne de mire du gouvernement, les mandataires de l’Etat au sein de l’ex-OFIDA savent à quoi s’en tenir…sans doute.
Lokadi Moga: les régies provinciales asphyxient la DGI.
Ce n’est pas les 100% mais les réalisations 2015 de la direction générale des impôts, DGI, sont restées dans la fourchette des quatre-vingt pourcent comme en 2014 et 2013. Les assignations 2015 de la Direction générale des impôts se chiffraient à quelque 2, 473 mille milliards de FC. La régie financière a réalisé plus de 1.9 mille milliards de FC soit environ deux milliards de dollars. Déjà en 2014, la DGI avait réalisé plus de 1,6 mille milliards de FC des recettes, soit 86% des revenus escomptés. Le DG de la DGI, Lokadi Moga, a de quoi s’en pavaner. En février 2015, il avait regroupé dans un séminaire des directeurs des impôts sous le thème: « Les stratégies et les actions pour la réalisation des assignations budgétaires de l’exercice 2015».
Pour Lokadi Moga, la Direction générale des impôts aurait mieux fait si elle pouvait assurer la traçabilité des certaines marchandises vendues sur le marché national sans payer le droit d’entrée ainsi que la TVA ou juguler la vente des produits importés par des bénéficiaires des exonérations. Dans ce domaine, le gouvernement semble souffler le chaud et le froid…vouloir quelque chose et son contraire. Le gouvernement avait, l’an dernier, annoncé l’imminence d’un audit de toutes les exonérations fiscales accordées aux entreprises tant à Kinshasa que dans l’arrière-pays. Mais il n’a jamais eu lieu.
Pourtant, le prédécesseur d’Henri Yav Mulang (ministre des Finances), Patrice Kitebi, a officiellement soutenu que « les exonérations sont devenues des hémorragies importantes des recettes de l’Etat ». Hélas, des sources dignes de foi indiquent que de nouvelles entreprises ont encore bénéficié du régime des exonérations. C’est notamment le cas de la Société Anhui Congo d’Investissement Minier, SACIM, qui a repris un pan de l’espace minier de la Minière de Bakwanga (Miba) au Kasaï pour exploiter du diamant.
Autres difficultés qui empêchent la DGI d’atteindre ses assignations, note Lokadi Moga, l’incivisme fiscal des acteurs politiques des gouvernorats et des Assemblées provinciales. La Direction générale des Impôts éprouve d’énormes difficultés pour le recouvrement de l’IPR (Impôt professionnel sur les rémunérations) des institutions politiques provinciales. Idem pour les employés locaux des ambassades et organismes internationaux ainsi que du personnel des agences d’exécution. Il sied également de rappeler que pour maximiser les recettes de la DGI, le Premier ministre, Matata Ponyo, a envisagé des contrôles inopinés et ponctuels de la TVA portant notamment sur les déclarations souscrites par les grandes surfaces, les hôteliers et les restaurateurs.
DGRAD, Matata n’aime pas trop.
A la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et des participations, une bonne dizaine d’agents ont récemment été révoqués sur ordre du Premier ministre Matata Ponyo pour faux et usage de faux, notamment en ce qui concerne leurs titres académiques. Du temps où il était ministre des Finances dans le cabinet Muzito, Augustin Matata Ponyo envisageait ferme de faire absorber la DGRAD par la DGI. Naturellement, agents et cadres de la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participation, ont opposé un niet ferme à la tutelle. L’alors DG, Jean Olongo, aurait même payé de son poste, rapportent des sources généralement bien informées au ministère des Finances.
Devenu Premier ministre, voilà 4 ans déjà, Matata Ponyo tiendrait-il toujours à son projet de «dissoudre», la DGRAD ? Naturellement, à la régie financière, on redoute des jours sombres. Et les spéculations de moins optimistes au plus pessimistes vont bon train. A la faveur d’une réunion d’Etat élargie aux régies financières, la directrice générale de la DGRAD a fait part de ses inquiétudes sur les entreprises du gouvernement dans le secteur de la parafiscalité. Mme Joséphine Swahele déplore que la DGRAD perde tous ses actes générateurs des recettes à coup des Fonds, pour reprendre son expression. Il s’agit, en fait, des comptes spéciaux qui émargent du budget général. Le dernier en date, le Fonds forestier national, FFN. A qui le gouvernement a accordé tous les frais, donc 100%, de la taxe de reboisement et 50% de la taxe de déboisement. Les assignations du Fonds forestier national, pour l’exercice 2015, se chiffrent à 12, 5 milliards de FC (nettement 12.562.801.131 FC). En clair, des recettes devant revenir à la DGRAD, mais hélas. Selon la DG de la DGRAD, même le Fonds national d’entretien routier, FONER, (105,2 milliards de FC attendues en 2015), le Fonds de promotion de l’éducation nationale, FPEN, dont les assignations 2015 sont de l’ordre de 2, 5 milliards de FC. Il y a aussi le Fonds de promotion culturelle devant réaliser pour 2015, quelque 6 milliards de FC (6.085.867.004 FC). Ou encore le Fonds spécial de développement, 33 milliards de FC attendues en 2015. Le budget de l’Etat pour l’exercice 2015 compte 9 comptes spéciaux. Les assignations 2015 de la DGRAD ont été chiffrées à plus de 620 milliards de FC (622.544.376.946 FC). Si la régie financière a atteint ses assignations du Premier trimestre 2015, Mme la DG Swahele avait dit redouter que la DGRAD ne flopât durant les trois trimestres restant. C’est qui est arrivé.
Devant la Cour constitutionnelle?
Mais une question s’impose, auprès de qui donc les patrons des régies financières vont-ils déclarer leurs biens ? Il sied de rappeler que le porte-parole du gouvernement r-dcongolais n’a pas indiqué auprès de quelle instance les mandataires susvisés devraient déclarer leurs patrimoines. Toutefois, l’on se souviendra que le 29 janvier dernier, les membres du gouvernement ont dû confirmer devant la Cour constitutionnelle leurs déclarations respectives sur leurs patrimoines familiaux. La constitution, dans son article 99, fait, en effet, obligation à ceux qui nous dirigent et gèrent la chose publique de déclarer leurs biens ainsi que de leurs proches, mari ou épouse, même des enfants mineurs et /ou adoptifs. En attendant le fonctionnement effectif de la Cour constitutionnelle, c’est à la Cour suprême que revient la tâche de communiquer à l’administration fiscale le patrimoine familial de chaque membre de l’Exécutif. la constitution de la République qui précise, sans ambages, à propos de l’Exécutif, qu’avant leur entrée en fonction et à l’expiration de celle-ci, le président de la République et les membres du gouvernement sont tenus de déposer, devant la Cour constitutionnelle, la déclaration écrite de leur patrimoine familial, énumérant…leurs biens immeubles, y compris terrains non bâtis, forêts, plantations, terres agricoles…et tous autres immeubles, avec indication des titres pertinents. Et que le patrimoine familial inclut les biens du conjoint selon le régime matrimonial, des enfants mineurs et même majeurs, à charge du couple. Il pleuvra des hallebardes. Nous y reviendrons.
POLD LEVI