Pour son malheur, la proposition faite le mardi 12 janvier 2016 dans le cadre de la cérémonie de présentation des vœux de Nouvel An aux membres de l’Unc tombe mal. Très mal. Plusieurs journaux de Kinshasa, parus le lendemain, ont fait en effet état des prestations subversives d’Antipas Mbusa Nyamwisi et de Joseph Mukungubila à l’Ile de Gorée. Le président du Rcd/Kml « aurait renseigné les participants sur son ‘expérience’ dans l’Est et plus particulièrement aux confins du Grand nord – pays nande – et de l’ex-Province orientale où opèrent ses milices transformées en LRA ou ADF locaux (…). Des participants à la rencontre de l’Ile de Gorée confient que Mbusa Nyamwisi aurait soutenu que si l’expérience en cours dans son ‘fief’ pouvait être étendue sur tout le territoire national, on arriverait facilement à déstabiliser les institutions et donc le pouvoir en place», lit-on dans Forum des As, dans la livraison du 13 janvier 2016. « Deuxième expert ès insurrection à faire part de son ‘expérience’ : Paul Mukungubila. Ce pasteur dont les hommes armés s’étaient tristement illustrés un matin du 30 décembre par des attaques contre des sites stratégiques à Kinshasa, Lubumbashi et Kindu », précise le quotidien. Un des grands invités de la rencontre d’Ile de Gorée, Vital Kamerhe a-t-il proposé son dialogue sur Beni en ignorant les « exploits » d’Antipas Mbusa ? Il a intérêt à vite évacuer le doute…
Etant donné qu’en 2014, voulant prouver sa popularité à l’Est mise à mal par la défaite infligée au M.23 par les Fardc appuyés par la Brigade d’intervention de la Monusco (il a mis plus d’une semaine avant de féliciter l’armée nationale), il avait entrepris au Nord Kivu et au Sud Kivu une caravane de la paix terminée, on le sait, en queue de poisson à Bukavu. Cette caravane n’est jamais repartie ni pour la partie orientale, ni pour la partie centrale, encore moins pour la partie occidentale du pays alors que son initiateur se vantait de faire le tour du Congo en pacificateur.
A propos exactement des exactions qui se commettent à Beni, il est de notoriété publique que dans son rapport sur le M.23 présenté au Conseil de sécurité de l’Onu par Ban Ki-moon dans sa lettre du 12 octobre 2012, rapport rédigé par un panel d’experts des Nations Unies, l’implication d’Antipas Mbusa dans l’apparition de cette organisation insurrectionnelle avait été nettement établie du point 65 au point 68 consacré à la «Force œcuménique pour la libération du Congo», Folc, «groupe armé initialement dirigé par le chef Maï-Maï Bana Sultani Selly, alias ‘Kava wa Selly’ », y lit-on.
Et voici ce que le panel en dit : «En juin 2012, la FOLC s’est alliée au M23 dans le territoire de Beni, avec le soutien du parlementaire Antipas Mbusa Nyamwisi. Selon des membres de groupes armés, des officiers des forces armées congolaises et des dirigeants locaux, le commandant Hilaire Kombi, qui a déserté des forces armées congolaises en juin 2012, a récupéré des dizaines d’armes chez M. Nyamwisi, dans la ville de Beni, avant de rejoindre Selly dans la vallée du Semiliki. Plusieurs semaines plus tard, le lieutenant-colonel Jacques Nyoro Tahanga a rejoint les rangs de la FOLC sur instructions de M. Nyamwisi, afin d’en assumer la direction politique. M. Nyamwisi a également recruté des politiciens d’ethnie Nande pour le compte à la fois de la Folc et du M23. Le 3 août 2012, une petite unité de la FOLC a attaqué sans succès la ville frontière de Kasindi, espérant y récupérer des armes.
« M. Nyamwisi s’est rendu à plusieurs reprises à Kigali pour y rencontrer des responsables rwandais et a désigné un agent de liaison à Gisenyi, Andy Patandjila. Selon plusieurs officiers des forces armées congolaises, ce dernier offre 1.000 dollars à tout homme qui rejoindrait les rangs des rebelles. Des collaborateurs de la FOLC ont indiqué que tant Hilaire Kombi que Jacques Nyoro Tahanga communiquent régulièrement avec Sultani Makenga, l’un des dirigeants du M23. Ces personnes ainsi qu’un officier du M23 ont déclaré que Nyoro s’était rendu par deux fois à Rutshuru – la deuxième fois au cours de la dernière semaine de septembre 2012 – pour y coordonner les opérations avec le M23.
« Outre sa propre contribution, M. Nyamwisi a reçu des fonds de plusieurs hommes d’affaires de Beni et de Butembo, parmi lesquels Mango Mat, ancien patron d’une compagnie aérienne congolaise (voir S/2008/43, par.90). En retour, M. Nyamwisi a promis que les rebelles abaisseraient les droits perçus au poste frontière de Kasindi, à la frontière avec l’Ouganda.
« Le général Kakolele Bwambale, appartenant à l’ex-CNDP et visé par les sanctions internationales, soutient lui aussi les opérations de la Folc, lui fournissant des renseignements et lui donnant des conseils à partir de Beni. Selon des officiers du M23, des agents de renseignement et des dirigeants locaux, le général Salim Saleh, des forces armées ougandaises, s’est en vain employé à réconcilier Nyamwisi et Kakolele afin d’unifier le commandement du M23 sur le territoire de Beni. Par ailleurs, Hilaire Kombi et Jacques Nyoro Tahanga ont rencontré à plusieurs reprises des responsables militaires et civils ougandais, parmi lesquels le colonel Muhindo Mawa, commissaire résident du district de Kasese, en vue d’obtenir une assistance financière et militaire ».
Bien avant la publication de ce rapport, le député Antipas Mbusa avait disparu de la circulation pour réapparaître en Afrique du Sud, perdant en 2013 son mandat en raison d’absentéisme avéré.
Sérieux problème de direction et d’orientation
En proposant un Dialogue axé essentiellement sur Beni, Vital Kamerhe n’a à proprement pas péché. L’ensemble des Congolais, attachés à leur pays, ne peuvent que l’en féliciter.
Mais là où il discrédite et disqualifie lui-même son initiative, c’est lorsqu’il déclare sur Tv5, dans le Journal Afrique de 21h30 le mardi 12 janvier 2016, que son dialogue est le bon, comparé à celui, mauvais, visant le processus électoral. Il joue ainsi la carte « Dialogue pour les élections » (forum auquel il s’oppose) contre la carte « Dialogue pour Beni ».
Une fois de plus, il confirme le grief qu’on lui fait régulièrement, celui d’avoir un sérieux problème de direction et d’orientation dans ses prestations politiques.
On se souviendra que dans le rapport du conclave de l’Opposition tenu au centre Mama Mobutu du 4 au 11 juillet 2013 – assises dont il fut le leader incontesté et incontestable – l’option avait été levée notamment, d’«inviter au Dialogue politique les représentants de tous les groupes armés congolais, y compris le M. 23».
Il est vrai qu’à l’époque, l’Opposition, devenue «Dynamique», prêchait pour le Dialogue recommandé, selon ses termes, dans l’Accord-cadre d’Addis-Abeba et la Résolution 2098 du Conseil de sécurité de l’Onu.
Si Vital Kamerhe avait alors réellement le souci de contribuer à la sécurisation de Beni, il aurait dû – pour demeurer conséquent avec lui-même – saisir l’occasion des événements malheureux qui se reproduisent dans cette partie du pays ces temps derniers pour adhérer au Dialogue convoqué par le Chef de l’Etat depuis le 28 novembre 2015 et proposer, dans l’ordre du jour, la situation sécuritaire qui prévaut dans plusieurs contrées de l’Est.
Après tout, l’article 3 de l’Ordonnance n°15/084 du 28 novembre 2015 portant convocation d’un dialogue politique national inclusif en République Démocratique du Congo dispose que « Le Comité préparatoire a, notamment, pour tâches : d’apprêter les documents de travail et d’élaborer les projets de l’ordre du jour et du règlement intérieur à soumettre à l’approbation de la Plénière du Dialogue ».
Kamerhe ne sait pas tenir ses pulsions en bride
Pour revenir à la proposition du dialogue réduit à Beni, force est de constater que dans son message de Nouvel An du 12 janvier 2016, Vital Kamerhe n’en a nullement fait allusion ! L’extrait y consacré est rendu en ces termes : « Les habitants de Beni et de Lubero sont devenus des réfugiés dans leur propre pays, forcés à abandonner leurs maisons et villages par peur d’être tués ». C’est tout.
Résultat : les médias congolais, même ceux qui lui sont proches, continuent d’ignorer son initiative. Pourtant, la présentatrice du Journal Afrique n’a pas menti du moment que l’élément audiovisuel diffusé a été recueilli par Francine Mukoko, et c’est bien Vital Kamerhe en chair et en os qui s’exprime.
Que s’est-il finalement passé pour que sa proposition – d’une telle importance – n’ait pas été suffisamment relayée ? La réponse n’a pas de quoi surprendre ceux qui connaissent le modus operandi de « Zala na mbangu » (surnom du président de l’Unc). Vital Kamerhe a encore débité une bourde.
Quand il termine son discours par l’interrogation inspirée du verset biblique «Si Dieu est avec nous, qui sera contre nous ?», l’envie est de lui rappeler que le même Dieu recommande à ses fils, les vrais, de domestiquer leur langue. La Bible dit de la langue qu’elle est aussi un petit feu pouvant « embraser une grande forêt ». C’est en Jacques 3 :4-6. Tout le problème de Kamerhe est-là !
L’homme qui convoite la présidence de la République ne sait pas tenir ses pulsions en bride.
LE MAXIMUM AVEC OMER NSONGO D.L.