ENCHÈRES ÉLECTORALES
Katumbi remontre le bout du nez
L’ancien gouverneur de l’ex Katanga, Moïse Katumbi Chapwe, trépigne manifestement d’impatience et tente de regagner du terrain après la débâcle de son équipe – parti, le TP Mazembe, à la coupe du monde au Japon. Même si l’affaire ne paraît pas aussi aisée qu’on le croirait. Samedi 26 décembre 2015, l’inconsolable ex-roi du Katanga est apparu en public, à la faveur d’un shopping, selon des confrères. Une sortie qui a fait tohu bohu dans une rue de Lubumbashi. « Un rassemblement spontané », « une mobilisation spontanée », des confrères stipendiés manquent des mots pour décrire ce qui s’est passé. En fait, il y a eu une foule de badauds autour du mentor de l’équipe de football la plus populaire de l’ex. province du Katanga et sans doute aussi de la RD Congo. Des cris ont été entendus : « Katumbi Président ! », ont scandé ceux qui avaient surpris le chairman en pleines emplettes. Rien d’anormal jusque-là, bien au contraire. Dans l’ex. province du Katanga le président du TP Mazembe est adulé. D’autant plus que, gouverneur de province de 2006 à 2015, l’homme a patiemment cultivé une image de bienfaiteur, distribuant des briques de billets de banque puisés au Trésor public ici, posant des actes de charité de même origine en son nom propre là, sans que l’on ne distingue très bien en quelle qualité étaient posés ces actes de bienfaisance. Convertir le bain de foule de samedi dernier à Lubumbashi en événement politique, comme certains se sont empressés de le faire, est une conclusion hâtive et précipitée. Tout autant, si non plus, que prétendre que c’est le candidat président de la République Démocratique du Congo que la foule a acclamé.
Néanmoins, qu’une personnalité de la trempe du patron de Mazembe s’occupe de shopping ou d’emplettes, une tâche que n’importe quel collaborateur peut accomplir à sa place, n’est pas innocent. Loin s’en faut. Moïse Katumbi a bien tenté une sortie, la première après la débâcle du team noir et blanc en terre japonaise il y a quelques semaines. Les résultats décevants réalisés par les champions d’Afrique à la finale de la coupe du monde des clubs au Japon n’ont pas permis à Moïse Katumbi de tirer le profit voulu de l’événement, en regagnant Lubumbashi en compagnie de joueurs bardés de médailles, par exemple. Cela, Moïse Katumbi n’avait pas hésité à le faire à l’issue du match aller de la finale de la coupe de la ligue de la Caf, remporté en déplacement par ses poulains. Mazembe était rentré de Tunisie dans le même aéronef que son président-manager. La débâcle japonaise aura privé le chairman d’un bain de foule lushois amplement désiré, manifestement.
De prestation politique publique, Moïse Katumbi en a tenté plusieurs avant son curieux shopping de samedi dernier. Après le sacre du TPM à Lubumbashi, le 8 novembre 2015, l’ex. gouverneur de l’ex. province du Katanga et patron du team noir et blanc a bien joué des pieds et des mains pour rassembler des foules. En faisant programmer l’une autre activité extrasportive à Lubumbashi. Jusqu’à ce rendez-vous du mardi 1er décembre 2015 au stade Kamalondo. Il survenait 48 heures après un match de Mazembe livré pour le compte de la Ligue Nationale de Football contre son grand rival lushois, le FC Lupopo. Moïse Katumbi avait convié les supporters de Mazembe à un prétendu match amical pour discuter de l’avenir du club sur les gradins du stade. Le rendez-vous sentait l’arnaque politicienne à mille lieux à la ronde, et les autorités provinciales de la nouvelle province du Haut-Katanga l’avaient interdite. Le shopping de Lubumbashi le week-end dernier relève des mêmes contorsions politico-footballistiques qui suscitent des interrogations.
Viré du PPRD, le parti politique présidentiel qui l’avait porté à la tête de la riche ex. province du Katanga, Moïse Katumbi a gagné les rangs de l’opposition politique rd congolaise mais hésite à s’engager officiellement avec l’un ou l’autre parti politique ou plate-forme. L’homme se contente de s’afficher, selon les circonstances, avec l’une ou l’autre figure de proue de l’arène politique, sans trop se mouiller ni se ranger définitivement. Pour ne pas heurter les nombreuses susceptibilités autour du leadership opposant, sans doute. Mais la méthode Katumbi paraît présomptueuse et amateuriste à souhait. En attendant de savoir à quoi renvoient les cris « Katumbi Président » entendus samedi dernier à Lubumbashi, un fait paraît clair : le président du TP Mazembe tente, comme un certain Paul Kagame au Rwanda, de se dissimuler derrière une sorte de volonté populaire pour justifier un positionnement politique sur l’échiquier national. Une stratégie qui peut présenter l’avantage de contourner toute contestation (de leadership au sein de l’opposition par exemple), mais qui n’en est pas moins vieille comme le monde : tous les dictateurs connus en ont usé et abusé.
Le recours à la volonté populaire présente un autre avantage pour le chairman du TP Mazembe, poursuivi par les compromissions politiciennes et affairistes dans lesquelles il s’est empêtré en 9 ans de règne dans l’ex. Katanga. Le peuple, on le sait, est un fourre-tout qui n’a pas de mémoire ni de raison et peut abriter n’importe quel lascar. Katumbi se choisit un créneau d’applaudisseurs crédules pour se hisser au sommet de la classe politique. Le choix peut susciter débats.
J.N.