A Kinshasa, l’église catholique n’a pas attendu trop longtemps pour sortir l’artillerie lourde contre l’évolution du processus électoral. Mercredi 16 décembre au Centre interdiocésain de la commune de la Gombe, sa commission Paix et Justice qui gère ses observateurs électoraux a rendu public un rapport d’observation électoral. Le document devrait susciter polémique, parce qu’il semble non seulement prématuré mais aussi, de l’avis d’un expert qui a requis l’anonymat pour ne pas s’attirer les foudres cléricales, passablement incohérent et lacunaire.
Le rapport d’observation pré-électorale de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), c’est un document de 37 pages, résultat d’un travail de récolte de données effectué du 29 août au 5 décembre 2015 sur toute l’étendue du territoire national par 102 des 410 observateurs catholiques accrédités à la CENI, grâce à un financement de l’USAID et du DFID. Rien qu’à ce niveau, la crédibilité du travail pose problème : 102 personnes ont parcouru toute la république en 3 mois ? Soit. Seulement, des observateurs accrédités, l’administration électorale en compte 17.000 sur toute l’étendue de la République. Soit 12.095 à Kinshasa ; 2000 au Kongo Central ; 300 au Tanganyika ; 432 au Haut-Lomami, 172 au Lualaba ; 2.198 au Haut-Katanga ; 90 au Sud Kivu.
Quelle peut-être la valeur d’un rapport établi par 102 observateurs, catholiques fussent-ils, sur 17.000 ?
Le travail présenté par l’abbé prête donc le flanc à la critique à plus d’un égard, notamment, lorsqu’il se laisse aller à prophétiser, quasiment. Il faut mention de différentes situations du processus électoral dans les domaines aussi importants que l’administration électoral, les comportements des candidats pendant la campagne électorale (sic !), les activités d’éducation civique et d’information des électeurs, la sécurité électorale, le rôle de la société civile et des citoyens ainsi que celui des médias.
Appels au gouvernement
Au sujet de l’administration électorale, le rapport de la CENCO encourage les femmes à s’inscrire nombreuses comme électrices et à participer au processus électoral en RDC. A la CENI, elle encourage d’améliorer l’égalité de genre dans le recrutement de ses cadres et agents, au Gouvernement de rendre disponible, en toute urgence, les ressources nécessaires à la CENI pour mettre en œuvre le Calendrier électoral ainsi que la mise en place en toute urgence d’une centrale d’achat de matériel et équipements électoraux.
Au regard de quelques déviations observées dans le comportement des candidats et des acteurs électoraux pendant la campagne électorale, la CENCO exhorte les partis et regroupements politiques à ne pas battre campagne en dehors de la période légale. Il en est de même de la facilitation attendue des partis politiques pour l’inscription de plus de femmes candidates aux postes électifs divers de manière à accroitre leur participation en tant que candidates aux différents scrutins.
Conformité à la constitution
Le rapport d’observation de la CENCO énumère également quelques problèmes dans le domaine de l’éducation civique et information des électeurs. A ce sujet, la CENCO rappelle que la confiance des citoyens est un élément clé de la crédibilité et de la légitimité des résultats des scrutins. Pour y parvenir, la CENCO invite le Gouvernement de la RDC, la CENI et les Organisations de la Société Civile, les Confessions religieuses et les autres parties prenantes impliquées dans le processus électoral à respecter les obligations internationales pour des élections démocratiques et de poser des actes conformes à la Constitution ainsi qu’aux lois de la RDC.
La sécurisation des élections a également préoccupé les observateurs longs termes de la CENCO. Ce qui la pousse à recommander au Gouvernement de la RDC de déployer plus d’efforts en vue de garantir la sécurité sur l’ensemble du territoire national, particulièrement dans les provinces où l’insécurité persiste.
Tirs contre le processus électoral
Mais on ne distingue pas très bien ce qui dans le rapport présenté mercredi devant le corps diplomatique, entre autres, ressort du travail effectué sur le terrain par 102 observateurs. Sont-ces les populations rd congolaises consultées par les observateurs qui conseillent le respect du genre dans les recrutements à la CENI, ou encore qui encouragent la participation des femmes en tant que candidates aux différents scrutins ? La même question se pose concernant les autres recommandations émises par le rapport des catholiques qui peuvent tout aussi bien provenir de tiroirs de bureaux cléricaux à Kinshasa.
Ainsi en est-il de l’affirmation, répétée à satiété mercredi et jeudi deniers par certains médias, selon laquelle 75 % des congolais jugeraient le processus électoral peu ou pas crédible. Elle relève davantage d’un don prophétique que de la réalité sur le terrain, dans la mesure où on peut se demander comment 102 observateurs ont pu entrer en contact avec 100 % d’électeurs rd congolais en 3 mois de travail, avant de conclure que seulement 25 % font foi au processus électoral. C’est du mitraillage.
A Kinshasa et ailleurs en RD Congo, beaucoup n’ont pas oublié que les catholiques représentés par la CENCO sont les seuls à s’être opposés à la désignation de l’actuel président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) en remplacement de l’Abbé Apollinaire Malumalu le 22 octobre 2015. Parce qu’ils avaient leur propre candidat qui n’a pas obtenu les faveurs de 7 des 8 confessions religieuses habilitées à désigner le représentant des églises à la tête de la centrale électorale. L’église catholique rd congolaise aurait voulu jeter l’opprobre sur le processus électoral pour venger le revers d’octobre dernier qu’elle ne s’y prendrait pas autrement. En raison de ces soubassements aussi, le rapport d’observation pré-électorale rendu public perd en crédibilité.
J.N.