Ce qui importe n’est pas la qualité de la médiation ou de la facilitation. C’est l’attitude de l’institution appelée à appliquer ou faire appliquer les actes du Dialogue. Depuis la première conférence de la table ronde tenue en 1960 jusqu’aux Concertations nationales organisées en 2013, en passant par les grands rendez-vous comme la Conférence Nationale Souveraine en 1991-1992 et le Dialogue inter congolais de 2001 à 2003, la tradition est de faire assumer au Président de la République la responsabilité de veiller à en appliquer les résolutions. Dans cette logique, l’ordonnance n°15/084 du 24 novembre 2015 dispose à l’article 7 : « Le Bureau fait parvenir les résolutions et recommandations du Dialogue au Président de la République qui les transmet, pour exécution, aux Institutions compétentes ». A moins de vouloir substituer au Chef de l’Etat congolais le secrétaire général de l’Onu, l’UDPS risque de réduire ses préalables à un prétexte. L’Onu ne s’engagera que si Etienne Tshisekedi la convainc de ce qu’il escompte des résolutions et des recommandations du Dialogue…
Que veut alors le ‘lider maximo’ de l’UDPS ? Dès lors qu’il renvoie à sa feuille de route du 12 février 2015 toute recherche d’information ou de réponse par rapport au Dialogue, on réalise que ces assises n’ont de sens pour ce parti que par la satisfaction de ses exigences propres déclinées dans l’ordre du jour constitué, on le sait, de deux volets.
Le premier volet porte sur le « règlement du contentieux électoral de novembre 2011 et son corollaire qui est la crise de légitimité ». Pour l’UDPS, la médiation internationale a le devoir de contribuer à l’identification des « responsables de la fraude électorale des élections organisées en 2011 » et d’assurer leur mise à l’écart de la gestion du pays à tous les niveaux et du déroulement du processus électoral en cours ». Les Nations Unies se substitueraient de la sorte à la cour suprême congolaise qui, agissant en qualité de cour constitutionnelle, avait clos le contentieux électoral en déclarant Joseph Kabila vainqueur.
Consistant à « définir un processus électoral consensuel », le second volet comprend cinq points que sont le calendrier électoral, la restructuration de la CENI, le contentieux électoral, le fichier électoral et la traçabilité des résultats.
Pour le calendrier électoral, l’UDPS veut voir la médiation internationale faire «définir un nouveau cycle électoral de manière consensuelle» et «organiser premièrement la présidentielle qui pourra être couplée aux législatives dans le délai constitutionnel, conformément à l’article 73 de la Constitution, au plus tard le 19 septembre 2016».
Pour la restructuration de la CENI, le parti de Tshisekedi escompte de la médiation internationale «la mise en place d’une Commission électorale» comprenant, de manière paritaire, 12 membres à raison de 6 par camp politique. Exit donc la Société civile.
Pour le Contentieux électoral, l’UDPS entend voir la médiation internationale annuler la désignation des membres de la Cour constitutionnelle et faire procéder à la désignation des nouveaux membres. Une révision constitutionnelle en perspective.
Pour le fichier électoral, le parti de la 10ème rue, Limete, attend de la médiation internationale sa fiabilisation, en même temps que la réalisation d’un audit externe.
Pour la traçabilité des résultats, il espère de la médiation internationale la création d’un observatoire des élections chargé de la certification des résultats par la Monusco. Une formalité qui n’est envisageable qu’au travers d’une révision constitutionnelle.
Tous ceux qui connaissent le modus operandi de ce parti depuis avril 1990 savent que la médiation internationale sera d’office désavouée si elle ose se déclarer non concernée ou non compétente sur l’une ou l’autre de ses revendications majeures.
Précédent fâcheux avec le CIAT.
La préoccupation fondamentale est de savoir si l’UDPS adhère au schéma qui consiste à faire exécuter les actes du Dialogue par la Communauté internationale, quitte à ce que celle-ci les impose au Président de la République démocratique du Congo et aux autres institutions en place dans le pays ! Nul besoin de se creuser les méninges à ce propos : les Nations Unies ne pourront pas s’inscrire dans un tel schéma de substitution de souveraineté sans verser dans une violation avérée et délibérée du Droit international. Etienne Tshisekedi et son UDPS ne facilitent donc pas la tâche au médiateur international qu’ils prétendent appeler de leurs vœux. Au contraire.
Du reste, tout au long de son histoire, ce parti n’a jamais brillé par une bonne coopération avec la communauté internationale. Qu’on se souvienne des médiations tentées pour l’OUA par le Sénégalais Me Abdoulaye Wade et pour l’ONU par l’Algérien Lakhdar Brahimi dans le cadre des Accords du Palais de Marbre II entre Mobutu et Tshisekedi, de la troïka de l’Union européenne lors de la Conférence Nationale Souveraine, ou encore de Moustapha Niasse et Thabo Mbeki après le Dialogue intercongolais.
Il y a également le précédent fâcheux avec le Comité international d’accompagnement de la transition (CIAT). Malgré l’accompagnement international de la transition décidé à Sun City et acté dans l’Accord global et inclusif conclu sous la médiation de l’ONU et de l’Union Africaine, l’UDPS avait catégoriquement refusé de participer au « 1+4 ». Ce qui eut pour effet de perturber le référendum de 2005 et les élections de 2006 et 2011.
En définitive, en analysant les points inscrits dans la feuille de route d’Etienne Tshisekedi pour l’ordre du jour du Dialogue national inclusif en gestation, il s’avère que pour la revendication par le N°1 de l’UDPS d’une médiation internationale vise autre chose que la tenue des élections apaisées en RDC. Vraisemblablement, le lider maximo est loin de savoir ce qu’il veut. Et avec lui, ses interlocuteurs rencontrés par Saïd Djinnit à Bruxelles.
On en veut pour preuve la présence, parmi ces derniers, de Samy Badibanga, député naguère désavoué par la hiérarchie de l’UDPS pour avoir osé braver un mot d’ordre de boycott d’Etienne Tshisekedi en siégeant à l’Assemblée nationale actuelle. Président d’un groupe parlementaire UDPS et Alliés non reconnu par la Tshisekedi, Badibanga pose un cas de conscience dans la mesure où sa présence aux côtés des officiels du parti ayant échangé avec Djinnit rend nulle et de nul effet une revendication fondamentale de l’UDPS. Celle du contentieux électoral de 2011. En effet, l’UDPS ne peut pas aligner dans les négociations un député issu des scrutins qu’elle ne cesse de contester.
On sait déjà que l’émissaire de Ban ki-moon n’a pas cette fois rencontré à Bruxelles Etienne Tshisekedi en personne ! De deux choses l’une : ou le ‘lider maximo’ a eu un nouvel ennui de santé pendant que les siens soutiennent qu’il est en forme et s’apprête à conduire la délégation de l’UDPS à Kinshasa à l’ouverture du Dialogue, ou il a manqué d’arguments rationnelsl à l’appui de ses revendications pour justifier la médiation internationale et a préféré s’emmurer dans une mystérieuse solitude.
Les Nations Unies lui offriraient sur un plateau doré la convocation du dialogue national avec son propre ordre du jour qu’on ne serait pas surpris de le voir brandir une autre revendication. Peut-être l’engagement écrit du Président Kabila à ne plus jamais faire de la politique dans cette RDC qu’il n’est pas loin de considérer comme un domaine réservé !
LE MAXIMUM AVEC OMER NSONGO D.L.