La Commission électorale nationale Indépendante (CENI), se cherche un fournisseur pour la mise en place d’un système de transmission rapide et sécurisée des données électorales. Un marché de près de 98 milliards de FC (nettement 97.485.784.822, 26FC), soit un peu plus de 100 millions de dollars, depuis 2014.
Plus d’une année après, mieux, à près de 12 mois de l’élection présidentielle, à s’en tenir aux prescrits constitutionnels, la CENI a visiblement du mal à départager la dizaine d’entreprises qui ont concouru à ce marché. La Commission électorale nationale indépendante s’est plutôt employée à exclure certains soumissionnaires, quand bien même l’Autorité de régulation des marchés publics, ARMP, lui a accordé la faveur de recruter par appel d’offre restreint, donc limité à quelques entreprises.
La direction générale des marchés publics a, par sa lettre n°1055 /DGCMP/DG/DRE/D4/MLK/2014 du 10 octobre 2014, accordé à la Commission nationale électorale indépendante, l’autorisation lui demandée de recourir à l’appel d’offres restreint avec les entreprises suivantes: Entrelect, Inmarsat, Waymark Infotech , 4 firmes r-dcongolaises à savoir Logitec, IT Consult, Huawei Technologie Sprl, et Sinfic Quantenus Congo, puis la luxembourgeoise SES Broadband Services, le Hollandaise Smartmatic, et enfin le groupement espagnol Scytl et Cie. Le 16 juillet 2015, alors qu’elle est en pleine tourmente consécutivement à l’état de santé de son alors président, l’Abbé Malu-Malu Muholongo, la Commission électorale nationale indépendante rejette la candidature du groupement espagnol au motif que ses états financiers ne rassurent guère pour mériter d’un marché de 100 millions de dollars. Le groupement espagnol (SITELE, Trans Century, Gilat Satcom Ltd et Sctyl) introduit par sa lettre référencée 0063-07-15-GPMTSC-I du 22 juillet 2015, saisit la CENI en recours gracieux. Hélas, à la Commission électorale nationale indépendante, la correspondance Scytl et Cie reste sans suite, pas de réponse ni en termes de rejet ni en termes d’acceptation du recours. Si bien que le groupement espagnol se résout à saisir en appel, le 30 juillet 2015, par sa lettre référencée 0063-07-15-GPMTSC-I du 30 juillet 2015, l’ARMP, Autorité de régulation des marchés publics conformément à l’article 73 de la loi n°10/010 du 27 avril 2010 relative au marchés publics qui dispose que tout candidat ou soumissionnaire qui s’estime illégalement évincé des procédures de passation des marchés publics ou de délégations de service public peut introduire une réclamation auprès de l’autorité contractante….La décision de cette dernière peut être contestée devant l’institution chargée de la régulation des marchés publics.
Une année perdue par désinvolture.
Naturellement, l’ARMP enjoint en date du 5 août 2015, par sa correspondance n° 1431/ARMP/DG/DREG/DREC/MM, la Commission électorale nationale indépendante de lui transmettre sans délai toute la documentation en rapport avec le marché en question. Cette fois, la CENI a bien daigné répondre à une correspondance sauf qu’elle prend une semaine pour s’exécuter. Le bureau de la CENI répond à l’ARMP le 12 août 2015, alors que la procédure d’attribution du marché inhérent à la mise en place d’un système de transmission rapide et sécurisée des données électorales a été suspendue depuis fin juillet du fait de l’appel introduit par le groupement espagnol. Cette mesure suspensive, il sied de le préciser, est conforme à l’article 74 de la loi n°10/010 du 27 avril 2010 relative aux marchés publics. Dans sa lettre, la Commission électorale nationale indépendante soutient que l’offre du groupement espagnol Scytl et Cie a été rejetée au motif qu’aucun élément de l’offre attestant un chiffre d’affaires moyen de trois dernières années équivalent ou supérieur au double de l’offre ne figure dans son dossier. Le groupement espagnol n’afficherait en réalité qu’un peu plus de 73 milliards de FC de chiffres d’affaires alors que le seuil requis par la CENI est d’environ 195 milliards de FC –près de 200 millions de dollars- et que Scytl et Cie n’a donné aucune précision quant au déploiement des matériels aux sites de destination finale. Les affirmations de la Commission électorale nationale indépendante seront balayées par la Commission des règlements des différends de l’ARMP. Pour l’Autorité de régulation des marchés publics, la CENI a eu tort d’utiliser le taux de change des Banques centrales du Congo et du Kenya à la date du 30 avril 2015 pour convertir l’euro, le shilling kenyan et le dollar américain pris comme monnaies de références dans les états financiers (2011,2012, 2013) de Scytl et Cie en Francs congolais. La Commission électorale nationale et indépendante aurait dû convertir ces monnaies en FC aux dates de 30 décembre 2011, 2012 et 2013, de clôture de ces états financiers en utilisant le cours moyen de la Banque centrale du Congo. Tout compte fait, le groupement espagnol a, en réalité, un chiffre d’affaires global cumulé de 613 milliards de FC. Ce qui donne un chiffre d’affaires annuel de plus de 204 milliards de FC. Ce qui fait le groupement espagnol est éligible au marché de la mise en place de la mise en place d’un système de transmission rapide et sécurisée des données électorales. La CENI aura donc perdu une année par des actes de désinvolture et de prévarication contre un soumissionnaire pourtant en règle, notent des experts.
15.000 sites et 77.000 bureaux de vote.
La CENI s’est aussi contredite, selon l’Autorité de régulation, par rapport à son appel d’offre sur le lieu du déploiement des matériels que le groupement espagnol n’aurait pas indiqué dans son dossier. Pourtant, l’Autorité de régulation des marchés publics, tout est clair, il s’agit bien de Kinshasa.
Il sied, en effet de rappeler que, pour ce qui est de la numérisation des documents et des suffrages exprimés et répartis entre postulants, la CENI a, en effet, prévu d’implanter 15.000 sites de votes., alors qu’en vue de la transmission rapide et sécurisée des documents électoraux et des suffrages exprimés, quelque 77.000 bureaux de vote seront établis dans les 7.200 groupements disséminés à travers toute la République démocratique du Congo. «Pourtant le temps presse, les contraintes sont là. Mais s’il y a une bonne volonté politique je crois que tant sur ce qui concerne le calendrier, que le budget que l’actualisation du fichier, que la sécurisation des élections ; toutes les conditions sont encore là pour permettre de mener les élections conformément à ce qui est prévu», a fait comprendre le chef de mission de l’UE en RDC, M. Dumond au sortir de l’audience lui accordée le 23 novembre 2015 par le président de la Commission électorale nationale indépendante, M. Nangaa. Et le diplomate européen d’ouvrir une brèche sur le financement du processus électoral et des opérations connexes. «Nous avons noté, a-t-il dit, les 538 millions de dollars qui sont inscrits dans la loi des finances et nous sommes tout à fait convaincus que si cette somme était effectivement décaissée, réellement exécutée, cela devra pouvoir suffire à exécuter de façon satisfaisante les élections prévues en novembre 2016 ». Selon Jean-Michel Dumond, Il y a aussi la question de l’environnement électoral que la CENI ne doit pas négliger. «Nous avons tout un programme d’appui dans l’observation électorale Citoyenne. C’est important parce que si vous avez des gens qui vérifient de façon indépendante les élections cela accroit la crédibilité mais aussi la paix parce que les gens se rendent compte s’il ya eu des vérifications par d’autres sources, c’est une crédibilité». Voilà qui repose avec acuité la problématique de la mise en place d’un système de transmission rapide et sécurisée des données électorales. Un marché de 100 millions de dollars géré malheureusement en toute opacité à la Commission électorale nationale indépendante.
P.L.