Pour la seconde fois en l’espace d’un an, NED (National Endowment for Democraty), une espèce d’Ong américaine, s’est montré suffisamment intéressé aux problèmes de transfert de pouvoir d’Etat en RD Congo. Après le forum organisé à l’intention des acteurs politiques en 2014, l’organisme américain, que de plus en plus d’experts considèrent comme une des nombreuses façades la toute puissante CIA (Central Intelligence Agency, le service d’espionnage américain), jette son dévolu sur les confessions religieuses. Le 5 novembre dernier, les représentants des églises catholiques, protestantes, d’ong de défense des droits de l’homme, de la Monusco, etc. ont été conviés à des réflexions sur le processus électoral rd congolais. NED prétend soutenir et accompagner l’éducation civique et l’éveil de la conscience politique des congolais à travers les organisations de la société civile, particulièrement, les confessions religieuses qui, les américains ne s’en cachent pas, drainent et gèrent des foules.
Mais il s’agit d’une éducation civique particulière pour ne pas dire partielle : rien n’est rapporté sur le civisme fiscal, par exemple, une des facettes de la participation à la construction de la nation. Le forum de New, le deuxième en moins de 24 mois, est organisé en fonction des changements politiques en gestation en RD Congo, ce qui rend l’initiative questionnable à plus d’un égard, pour certains analystes. Pourquoi les américains prennent-ils le parti de soutenir l’instabilité, le changement politique, plutôt que la stabilité ou le statu quo ? Et dans quel intérêt ? Sachant que les relations internationales sont fondées sur les intérêts, plutôt que sur de prétendues bonnes intentions.
Au forum du 5 novembre dernier, André Milenge Mwenelwata (ECC), Donatien Nshole (CENCO), Grâce Lula (LIFDED), David Kekumba (CIME), ont été entretenus sur « le rôle des confessions religieuses dans l’éducation civique et l’observation des élections ». Les questions qui tournent autour des ressources requises pour permettre aux confessions religieuses et autres organisations de la société civile (NED finance déjà un certain nombre d’Ong qui partagent sa vision de l’éducation citoyenne sans éducation fiscale ou patriotique) de jouer pleinement leur rôle (sic !) ; des effets du découpage territorial sur le processus électoral ; l’observation des élections par la communauté internationale, etc. Les américains auraient voulu faire œuvre de conversion … politique des églises et organisations de la société civile qu’ils ne s’y seraient pas pris autrement, observe à ce sujet un analyste de l’Unikin qui s’en est entretenu avec Le Maximum.
Car, c’est assez connu de tous, désormais : les agences américaines comme NED, CIA, NSA ne sont rien d’autre que ces nouveaux instruments de gestion, pour ne pas dire de domination, des Etats pourvoyeurs des ressources naturelles dont les puissances du monde ont besoin. Les récentes dénonciations d’Edward Snowden sur l’espionnage à l’échelle planétaire pratiqué par l’Agence de Sécurité Américaine (NSA) révèlent à quel point la panoplie d’agences, institutions publiques, semi-publiques ou privées américaines n’ont pour but que de servir du pays de l’Oncle Sam (Le Maximum n° 313 du vendredi 14 novembre 2015).
A l’appui des révélations de Wikileaks, Kim Scipes de l’Université de Purdue, accuse le Fond National pour la Démocratie (National Endowment for Democracy, NED) d’être un des fers de lance de cette campagne mondiale, un « déstabilisateur invisible ». La NED fut, en effet, crée par le Congrès des Etats-Unis sous Ronald Reagan dont on sait qu’il n’était pas fondamentalement acquis à l’émancipation des pays dits « périphériques ». Pour son fonctionnement, elle compte sur d’importants fonds publics, approuvés par le Congrès. Ces dirigeants passés et actuels se recrutent parmi les principales figures de l’establishment USA le plus conservateur : Dr Henry Kissinger, Madeleine Albright, SbigniewBrzezinski, Frank Carlucci (ex. patron en second de la CIA), Paul Wolfowitz, John McCain, Francis Fukuyama …
NED opère depuis son noyau central à travers un réseau d’instituts et d’organisations animés par des notables américains et des comparses nationaux des pays cibles. Les principaux sont l’Institut Républicain International (dirigé par McCain), l’Institut National Démocrate pour Affaires Internationales (dirigé par Mme Albright), le Centre pour l’Entreprise Privée Internationale, émanant de la Chambre de Commerce des Etats-Unis, et le Centre américain pour la solidarité ouvrière internationale, dirigé par la puissante centrale syndicale US AFL-CIO.
L’activisme de la NED en faveur d’animateurs de société civile rd congolaise est donc loin d’être philanthropique, loin s’en faut. Au Venezuela, un pays de l’Amérique Latine considéré comme un scandale géologique (pétrolier), la NED a développé le même type d’activités intéressées pour contrer la montée du nationalisme chavisme.
Rien que pour l’année 2012, la NED avait « généreusement » offert 1.338.331 UDS à des organisations et projets au Venezuela dans les domaines de la responsabilité gouvernementale, l’éducation civique, les idées et les valeurs démocratiques, la liberté d’information, les droits humains, etc. 465.000 USD ont été consacrés au renforcement du mouvement ouvrier en Amérique Latine (ce dernier ayant aussi bénéficié « gracieusement » de 645.000 USD de l’Institut Républicain International, et de 750.000 USD de l’Institut National Démocrate pour les Affaires Etrangères !).
Autant de « charité » devrait faire réfléchir pour ne pas faire le lit de prétentions hégémoniques qui se dissimulent à peine.
J.N.