Michel Collon analyse les propos du dirigeant israélien, pour qui le grand mufti de Jérusalem de l’époque a soufflé à Hitler l’idée du génocide contre le peuple juif.
Ainsi, selon Benjamin Netanyahou, l’inspirateur du génocide contre les juifs ne serait pas Hitler. Mais bien les Palestiniens, collectivement coupables pour les égarements du grand mufti de Jerusalem, il y a 80 ans !
Ce n’importe quoi prouve la grande panique qui règne à Tel-Aviv. Face à l’intifada qui gronde. Face à l’échec de la stratégie guerrière contre l’Iran. Et surtout, face à l’affaiblissement du parrain de Washington qui ne peut plus tout se permettre au Moyen-Orient. Dès lors, le gouvernement israélien ne sait plus quoi inventer pour exciter l’opinion internationale et embraser le Moyen-Orient. La stratégie de la tension.
Cette déclaration insensée de Benjamin Netanyahou révèle aussi une hypocrisie sans limites. En effet, pour ce qui est de soutenir des racistes pro-nazis, les dirigeants israéliens et leurs lobbies ne se gênent pas quand cela peut servir leurs intérêts du moment.
Juste un exemple. En Croatie, à partir de 1991, Israël et les lobbies pro-Israël ont activement soutenu le président Franjo Tudjman. C’était pourtant un raciste anti-juif avec des écrits très complaisants envers le nazisme. Il avait notamment déclaré : « Tous les jours, je remercie Dieu que ma femme ne soit ni juive, ni serbe ». Mais l’ex-président croate était « un bon salaud » car il était alors utilisé par Washington et Berlin pour faire éclater la Yougoslavie, trop indépendante vis-à-vis des multinationales et de l’OTAN.
Comment a-t-on alors manipulé l’opinion internationale pour lui faire avaler la guerre contre la Yougoslavie ? Avec divers médiamensonges, et surtout, celui sur de prétendus « camps de concentration » serbes, assimilés aux camps d’extermination nazis. En réalité, les trois belligérants – serbe, croate et musulman – détenaient des prisonniers de guerre dans leurs camps servant de monnaie d’échange. (1) Dans cette affaire, le lobby d’Israël a joué un rôle décisif dont il n’ira pas se vanter.
Le journaliste français Jacques Merlino (France 2) a enquêté sur cette opération de désinformation menée par Ruder Finn, agence américaine de « relations publiques » (entendez : manipulation de l’opinion). Son patron, James Harff, a reconnu les faits et s’en est même vanté : « Nous avons circonvenu trois grandes organisations juives : le B’nai B’rith Anti Defamation League, l’American Jewish Committe et l’American Jewish Congress. Nous leur avons suggéré de publier un encart dans le New York Times et d’organiser une manifestation devant les Nations unies. Cela a formidablement marché ; l’entrée en jeu des organisations juives fut un extraordinaire coup de poker. Le dossier était complexe, personne ne comprenait ce qu’il se passait en Yougoslavie, mais d’un seul coup nous pouvions présenter une affaire simple, une histoire avec des bons et des méchants. Nous avons gagné en visant la bonne cible, la cible juive. » (2)
Pourtant, tout le monde savait déjà quel raciste était Franjo Tudjman, avoue James Harff : « La partie était très délicate. Car le président Tudjman a été très imprudent dans son livre Déroute de la Vérité historique. A la lecture de ces écrits, il peut être accusé d’antisémitisme » . (3)
« Il peut » ? Non, il doit ! Pour donner une idée, Franjo Tudjman citait complaisamment des rapports totalement racistes : « Les juifs tombent dans la catégorie des ‘monstres existentiels’, ils ne peuvent devenir comme la majorité à cause de leur caractère » et « Un juif reste un juif, même dans le camp de Jasenovac. Dans le camp, ils gardent tous leurs défauts. » (4)
Le journaliste lui faisant remarquer que son agence avait répandu dans le monde entier un médiamensonge aux conséquences dramatiques, James Harff répondit cyniquement : « Notre travail n’est pas de vérifier l’information. Nous sommes des professionnels, nous avions un travail à faire et nous l’avons fait. Nous ne sommes pas payés pour faire la morale. »
Pour avoir révélé ceci dans un livre remarquable « Toutes les vérités yougoslaves ne sont pas bonnes à dire » et pour avoir montré que toute la presse internationale était tombée dans le panneau, Jacques Merlino fut mis au placard par sa chaîne.
Donc Washington et les lobbies pro-Israël soutiennent des pro-nazis quand c’est utile aux intérêts de leurs patrons.
Dans un prochain article, nous traiterons un deuxième exemple, très récent. Le double jeu en Yougoslavie n’était pas un cas isolé…
Michel Collon
Notes :
1) Michel Collon, Poker menteur, Les grandes puissances, la Yougoslavie et les prochaines guerres, EPO, Bruxelles, 1998, p. 34
2) Jacques Merlino, Toutes les vérités yougoslaves ne sont pas bonnes à dire, Albin Michel, 1993, pp. 127-128
3) Ibid.
4) Michel Collon, Poker menteur, Les grandes puissances, la Yougoslavie et les prochaines guerres, EPO, Bruxelles, 1998, chapitre 14, p. 259
Source : Investig’Action