Aux yeux des occidentaux, les pays africains ne se ressemblent pas les uns aux autres. Les paramètres d’appréciation diffèrent et évoluent selon les cas. L’exemple brazzavillois, où Denis Sassou Ngouesso a pris tout son beau monde de court en organisation un référendum de modification de la constitution, est illustratif. En France, il n’y a pas que le Chef de l’Etat, François Hollande, qui ait préféré mettre des gants avant de prononcer sa sentence sur l’épisode électoral de dimanche dernier.
Jean-Marie Bockel, grande gueule s’il en fut contre la françafrique, soutient aussi bien la politique de son pays en Afrique que François Hollande dans le dossier brazza-congolais. Il l’a déclaré sous toutes les coutures, mardi 20 octobre 2015 sur les antennes de la RFI. Christophe Boisbouvier, l’interviewer maison, champion toutes catégories de la mission civilisatrice de la France en Afrique, a usé de toutes les ficelles de son métier pour ramener Bockel à ses convictions d’il y a peu, et à déverser à nouveau sa bile sur Sassou. Sans succès.
Pourtant, Jean-Marie Bockel, c’est tout de même cet acteur politique de la gauche qui, tout en ayant accepté les fonctions de secrétaire d’Etat chargé de la coopération et de la francophonie en 2007, demanda publiquement à Nicolas Sarkozy d’accentuer la fin de la françafrique en 2008. Une sortie qui lui valut d’être « muté » au secrétariat général à la défense et aux anciens combattants. A la demande des présidents Omar Bongo et … Sassou Ngouesso.
Le Maximum publie ci-après l’intégralité des propos de cet homme politique de droite qui semble avoir viré sa cuti de donneur de leçons aux Africains sur RFI.
- Que pensez-vous de ce référendum constitutionnel qui vient d’avoir lieu au Congo-Brazzaville ?
J’en prends acte. Evidemment, on est aujourd’hui dans un contexte où les modifications de constitutions se font de plus en plus aussi facilement que jadis et ça, on ne va pas s’en plaindre. Après évidemment, il faut analyser la situation au cas par cas, ne pas s’ériger en censeur ou en donneur de leçons. Mais il y a aussi le souci que certaines règles du jeu soient respectées. Donc, à ce stade, ce n’est pas à nous d’analyser de manière prématurée un scrutin dont on ne connaît pas encore le taux de participation. On nous dit qu’il est « honnête » – je cite le ministre de la communication. Est-ce que pour autant il a été à un niveau significatif ? C’est difficile de le dire. On sait qu’il y a eu de très grandes disparités dans le pays. Donc, moi, j’analyse ce scrutin avec, comment dirais-je, une certaine prudence.
- Si le oui l’emporte, le président Sassou Ngouesso pourra changer les règles du jeu et briguer l’an prochain un troisième mandat. C’est une bonne ou une mauvaise chose à votre avis ?
Chaque pays africain à son histoire. Maintenant, est-ce que la stabilité veut dire retarder trop longtemps qui, à un moment donné, doit venir ? On a en l’occurrence un chef d’Etat qui est là depuis longtemps, même si ce n’était pas de manière continue. Mais, au total, il est là sur un temps très long. Il a manifestement fait un travail important, joué un rôle dans la région et la sous-région … Ses qualités sont grandes, il a aussi son âge. Est-ce que c’était le moment de passer le témoin ou est-ce que ce sera un peu plus tard ? Il ne m’appartient pas de le dire. C’est une bonne chose à partir du moment où il y a un consensus large et où il pleut se représenter dans un contexte de paix civile. Si ces conditions ne sont pas réunies, à ce moment-là, on ne peut pas dire que c’est une bonne chose. L’avenir le dira. C’est vrai que, de l’avis même du pouvoir congolais, il n’y a pas consensus aujourd’hui au Congo sur le référendum. Ca, nous l’avons compris. Pour autant, je me veux également respectueux de la situation. Je connais trop bien l’Afrique pour ne m’ériger en censeur ou en éditeur de ce qui est bien et de ce qui est mal.
- En janvier 2008, quand vous étiez secrétaire d’Etat à la coopération, vous aviez voulu signer l’arrêt de mort de la Françafrique. Vous aviez dénoncé publiquement le fait que la France attribue son aide à des pays qui gaspillent leurs ressources pétrolières. Est-ce que vous pensiez notamment au Congo-Brazzaville ? Sans oublier qu’à l’époque, on a beaucoup dit que c’était surtout le Gabonais, Omar Bongo, qui avait demandé votre tête au président Sarkozy …
Je ne pensais pas à un pays en particulier, mais c’est vrai que parmi les réactions vives qu’il a pu y avoir, il y a eu le cas du Congo/Brazzaville. Ça, je ne dis pas le contraire, c’est la réalité historique, c’est sûr. Et Omar Bongo a évidemment réagi assez vivement sur le moment. Mais j’ai eu aussi l’occasion, tout de suite après mes déclarations, de faire part des choses. Et je pense que ce n’était pas du Gabon que sont venues les plus virulentes à l’époque. Pas seulement du Congo/Brazzaville. Mais il y a eu effectivement dans ce pays une réaction assez vive. Ça, c’est sûr !
- Et aujourd’hui que pensez-vous de la réaction de François Hollande face à ce référendum constitutionnel ?
Je pense que François Hollande sur l’Afrique, a une attitude, un état d’esprit avec lequel je suis plus souvent en accord qu’en désaccord. Et j’inclus, bien sûr, l’action du ministre Le Drian dans mon jugement plutôt positif. Pour autant, personne n’est parfait. Et c’est vrai que, sur cette question du référendum constitutionnel, le fait de réagir un peu vite d’abord puis, ensuite, de corriger le tir, c’est à éviter quand c’est possible. Mais, ne même temps, là aussi, on est dans une situation qui est difficile à évaluer et qui est évolutive. Donc, je ne me permettrais pas non plus d’être trop sévère dans mon jugement. Je pense que le vrai François Hollande, c’est quelqu’un qui rappelle certains principes dans la relation et qui, d’autre part, applique le principe de réalité avec les alliés de la France. Donc, c’est toute la difficulté de l’exercice ! La position qu’il faut avoir, c’est une ligne de crête.
- (…) Europe-Ecologie-Les-Verts demande au gouvernement de français de suspendre immédiatement sa coopération militaire et politique avec le régime de Denis Sassou Ngouesso.
Oui. Ce n’est pas la position de l’UDI, ce n’est pas ma position. Je pense que suspendre les relations, c’est un fusil à un coup. C’est-à-dire qu’une fois que c’est fait, c’est fait. Et le levier que constitue cette menace disparaît. Donc, s’il faut le faire, il faut le faire au bon moment et après que tous les aspects de la situation dans ce pays ont été examinés. Et surtout pas dans la précipitation, alors que nous sommes, par ailleurs, dans un contexte géopolitique particulièrement difficile. Donc, aujourd’hui, pas de condamnation, pas de suspension de la coopération, mais une attention forte, des questions, un suivi jour après jour, peut-être des exigences (…)