En Afrique centrale, les deux capitales les plus rapprochées au monde, Kinshasa et Brazza, vivent une expérience politique assez semblable. Du fait que dans les deux pays francophones, la RD Congo et le Congo-Brazzaville, les chefs d’Etat arrivent fin derniers mandats sous peu, selon les constitutions des deux pays. Encore que de l’autre côté du fleuve également partagé entre les deux pays sur des distances considérables, Denis Sassou Ngouesso aient atteint la limite d’âge prévue par la constitution pour briguer un mandat présidentiel.
Mais les attitudes politiques des deux chefs d’Etat et de leurs classes politiques respectives divergent du tout au tout, presque. En RD Congo, Joseph Kabila a opté, en réponse à une requête de son opposition, pour un dialogue politique qui permette de négocier le passage à la mandature suivante. L’initiative a longtemps été boudée par … les opposants jusqu’à il y a quelques jours. Des voix s’élèvent de plus en plus pour en appeler à ce fameux dialogue politique, de l’opposition surtout, et encore. L’UDPS Tshisekedi, qui avait dénoncé les contacts amorcés loin des yeux et des oreilles indiscrètes avec la partie gouvernementale, au Portugal et en Espagne, s’est bruyamment dédite. Le 23 octobre 2015, le parti d’Etienne Tshisekedi publié ce qu’il a appelé «un ultimatum», adressé à Joseph Kabila pour qu’il convoque le dialogue. À y regarder de près, plus qu’un appel du pied, l’ultimatum du vieil opposant n’est qu’une supplique. Etienne Tshisekedi et ses partisans en sont sans nul doute venus à se rendre compte que tout dépendait, en dernière instance, d’un Président qu’ils avaient pris l’habitude de mépriser. Ce n’est pas trop tôt lorsqu’on se souvient qu’au lendemain du scrutin présidentiel de 2011, le ‘lider maximo de l’Udps qui prétendait l’avoir gagné avait claironné aux quatre vents que les forces de sécurité du devait lui amener Joseph Kabila « proprement ligoté ». Tout indique donc qu’en RD Congo on chemine vers plus de réalisme à travers un dialogue pour décider de l’avenir du pays et de ses acteurs politiques.
Au Congo d’en face, les choses sont allées plus vite. Décidé à s’accorder un nouveau bail au sommet de l’Etat, Denis Sassou Ngouesso a carrément décidé de bousculer son opposition en utilisant la constitution : en emmenant tout le monde au référendum pour modifier le texte fondamental. L’affaire a été rondement bouclée en moins de temps qu’il n’en faut pour festoyer. Dimanche 25 octobre 2015, le peuple congolais a autorisé la modification de parties déterminantes (pour la poursuite du bail de Sassou à la tête du pays) de la constitution. À tout prendre, beaucoup, dans la région comme en Occident, se disent qu’il n’y a pas plus démocratique que d’interroger le fameux souverain primaire dont tous les politiciens se revendiquent à hue et à dia sans jamais prendre la peine de lui demander son point de vue avant de décider de l’avenir commun. L’opposition politique brazza congolaise a beau crier, l’affaire est passée comme une lettre à la poste (du Congo-Brazza s’entend). Jeudi 29 octobre, elle en appelait encore à des actions de désobéissance civile sur toute l’étendue du pays, donnant ainsi l’impression de se livrer à un stérile combat d’arrière- garde.
L’évolution de la situation politique au Congo-Brazza influera-t-elle sur la classe politique au Congo-Kinshasa où les pourfendeurs du dialogue semblent de plus en plus enclins à changer de fusil d’épaule après avoir roulé les mécaniques ? Fort probable. D’autant plus que la réaction de la communauté internationale, de la vieille Europe particulièrement, dans laquelle les acteurs politiques rd congolais ont pris l’habitude s’inspirer pour justifier les plus déraisonnables de leurs projets politiques mirifiques, a décontenancé plus d’un. La France de François Hollande, puissance colonisatrice du pays de Sassou Ngouesso, n’a rien trouvé à redire contre le principe d’un référendum et ses résultats prévisibles. Une attitude qui n’est pas sans rappeler, crument, qu’en matière des relations internationales, les intérêts priment sur les convictions politiciennes.
J.N.