En moins d’une semaine, deux résidences d’opposants politiques rd congolais ont été « attaquées » à dans la capitale. Le 17 octobre dans la soirée, la résidence du RCD/N (Rassemblement Congolais pour la Démocratie/National) Moïse Moni Della du quartier Mont-Ngafula dans la commune du même nom a reçu la visite d’une bande de malfrats. Selon les témoignages de membres de sa famille rapportés par la presse, les Moni Della avaient été surpris alors qu’ils préparaient un festin marital. « Des hommes en uniformes », non autrement identifiés, ont semé pagaille et désolation, menaçant et molestant les convives, avant d’emporter un ordinateur portable appartenant au maître des lieux.
Trois jours après les événements survenus à Mont-Ngafula, dans la nuit de mardi 20 à mercredi 21 octobre 2015, un incendie s’est déclaré au n° 32 bis Avenue Kabinda dans la commune de Barumbu. C’est la résidence du député MSR Muhindo Nzangi, dont la famille n’a pu être extraite des flammes que grâce à la diligence des voisins et des jeunes du quartier venus les secourir. Même si aucune perte en vie humaine n’a été déplorée, Muhindo Nzangi aura tout perdu parce que le sinistre était consommé lorsque les pompiers arrivés sur les lieux, deux heures après que l’incendie su fut déclaré.
Criminalisation
Dans les deux cas, la tendance est à la politisation des faits. Devant des représentants de la presse locale, mercredi dernier, Muhindo Nzangi n’a pas hésité à exclure l’hypothèse d’un incendie accidentel. L’élu de Goma a tôt fait d’assurer que toutes les sources d’alimentation du courant sont demeurées intactes malgré l’incendie. Mais ce fut suffisant pour que ça s’enflamme dans les réseaux sociaux. Sur Facebook, on pouvait découvrir mercredi dans la journée, en même temps que les images du sinistre, des commentaires suggestifs à souhait. Comme celui de cet internaute qui explique que l’incendie a eu lieu « … chez l’opposant G7 honorable pétitionnaire contre le bureau Minaku, Muhindo Nzangi issu du MSR, frondeur de la MP (…) cet ancien prisonnier de Makala incarcéré pour offense au chef de l’Etat ». La politisation de l’incendie est on ne peut plus claire.
Même son de cloche du côté du RCD/N Moïse Moni Della où, sans autre forme de procès, 33 ONG de défense des droits de l’homme ont dénoncé « un crime politique ». Dans une déclaration datée du 19 octobre, l’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (ACAJ) de Georges Kapiamba, associée à 32 autres organisations du genre, ont condamné l’incident qu’elles lient aux prises de positions politiques contre le régime du propriétaire des lieux attaqués. M. Kapiamba rapporte qu’après s’être emparés de l’ordinateur portable de Moni Della et de quelques téléphones, les visiteurs ont proféré des menaces selon lesquels si l’opposant continuait à faire des bruits, il ne va plus vivre. Ou encore, « qu’il fait partie d’opposants qui dérangent et qu’il devrait se taire ».
Des ONG à la rescousse
Interrogé mercredi 21 octobre par Le Maximum sur l’identité des assaillants de la résidence de Moni Della, le président de l’ONG Acaj a répondu qu’il n’en savait rien. Et que la version des faits qu’il a rapportée lui avait été communiquée « par la sentinelle et les proches de la victime ». Rien de plus. Et c’est trop peu pour conclure raisonnablement à une agression politiquement motivée, et trop facile. Du point de vue de l’envergure politique de l’homme, certains observateurs de la scène politique rd congolaise interrogés par Le Maximum sur l’affaire Moni Della assure que le président intérimaire du parti politique de Roger Lumbala Tshitenga ne dérange pas le régime en place plus que les Vital Kamerhe, Lisanga Bonganga, Frank Diongo, et autres. L’homme ne siège ni à l’assemblée nationale, ni au sénat, ni dans une assemblée provinciale. Il ne représente donc aucune menace pour le pouvoir en place. On voit mal qui s’en irait à Mont Ngafula « louper un attentat » contre Moïse Moni Della qui s’époumone de temps en temps sur quelques médias à faible rayonnement pour rappeler son existence. A la réflexion, on peut se demander si pour attenter à la vie du bras droit de Roger Lumbala à Kinshasa, il faut se rendre à son domicile ?
D’autres personnes interrogées sur l’attentat de Mont-Ngafula assurent carrément que le quartier où il habite compte parmi les moins sûrs de la capitale. Les agressions nocturnes par des criminels en bande y sont monnaie courante, Moïse Moni Della n’est ni la première ni la dernière de leurs victimes. Loin s’en faut. Rien ne prouve, sans une enquête sérieuse, que des assaillants qui se soient réellement contentés d’un lap-top et de quelques téléphones portables comme il le répète dans le but de faire accréditer à tout prix l’idée que ceux qui s’en sont pris à sa résidence ne font pas partie des bandes de voleurs habituels qui écument Mont-Ngafula.
Le crime profite à tous
Il reste que dans les deux incidents malheureux survenus à quelques jours d’intervalle, les personnes qui se disent visées par le crime s’en sont tirées, comme par enchantement. Et sont susceptibles de profiter (médiatiquement et politiquement) du crime qu’ils déplorent. A Barumbu autant que dans son Nord Kivu natal, le député MSR/G7 Muhindo Nzangi apparaîtra désormais sous les traits de cet opposant pur et dur que le régime tente de liquider sans succès. Une sorte de héros donc. Tout comme du côté de Mont-Ngafula, à défaut de représenter quoi que ce soit, ayant lamentablement échoué aux législatives de 2011, Moïse Moni Della pourra bomber le torse en se faisant connaître de l’opinion comme un intrépide acteur politique de l’opposition que le pouvoir traque pour tenter de le faire taire. Un héros, lui aussi.
Seulement, dans un passé récent, des attentats dont réchappent toujours les personnes supposées visées se sont parfois avérées de grossiers montages. Dans les années ’90, sous le mobutisme finissant, il suffisait d’échapper à un attentat pour être reconnu opposant. Nombre d’acteurs politiques de l’époque avaient eu chacun son attentat. Comme si Mobutu et ses Forces Armées Zaïroises (FAZ) manquaient cruellement de tireurs d’élite ou de largeurs de grenades. L’enfer recommence, manifestement.
J.N.