Le Maximum l’annonçait dans son édition n° 305 du vendredi 16 octobre. La Minière de Bakwanga devrait, si l’on n’y prend garde, ployer sous le poids des manœuvres qui visent sa mise en faillite au profit d’opérateurs miniers privés et voraces. Un bon vent a amené à nos rédactions une importante correspondance de Monsieur Jacky Ngandu, membre du Conseil d’administration de la minière, au président du conseil. Nous la publions dans son intégralité ci-après.
J.N.
Kinshasa le 5 octobre 2015
Réf.: MIBA/NgK/CDG/octobre 2015/01
Transmis copie pour information à:
- Mesdames et Messieurs les Administrateurs de la MIBA SA
Tous à Kinshasa/Gombe
A la particulière attention de :
Monsieur le Président du
Conseil d’Administration
à Mbujimayi/Kasaï-Oriental
Monsieur le Président,
Concerne: Vos Réponses au Courrier de Madame Commissaire aux Comptes
Nous vous remercions pour votre sollicitation de notre opinion sur les réponses données aux questions de notre commissaire aux comptes (Procédure d’alerte).
Pour rappel, au plan juridique, le Commissaire aux Comptes s’est fondé sur les articles 153 à 156 de l’Acte Uniforme relatif aux sociétés commerciales et au Groupement d’Intérêt économique pour engager une procédure d’alerte et vous demander des explications sur des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, faits qu’il a relevé lors de l’examen des documents comptables qui lui avaient été communiqués ou dont il avait eu connaissance à l’occasion de l’exercice de sa mission (article 153de l’AU/SCGIE)
Conformément à l’article 154, vous auriez dû répondre à ce courrier par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans les quinze jours qui suivaient la réception de la demande d’explication pour lui donner une analyse de la situation et préciser, le cas échéant, les mesures envisagées.
A défaut de réponse dans le délai de 15 jours (comme cela a été le cas) ou si celle-ci n’est pas satisfaisante, l’article 155 dispose que le Commissaire aux Comptes aurait dû vous inviter à faire délibérer le Conseil d’Administration ou à vous prononcer sur les faits relevés. L’invitation est faite dans les mêmes conditions et forme ainsi qu’édicté à l’article 154, avec demande d’avis de réception dans les quinze jours qui suivent la réception de votre réponse ou la constatation de l’absence de votre réponse dans les délais prévus à l’article cité ci-dessus.
La deuxième alternative est que dans les quinze jours qui suivent la réception de la lettre du Commissaire aux Comptes, vous auriez alors dû convoquer le Conseil d’Administration en vue de le faire délibérer sur les faits relevés, dans le mois suivant la réception de ladite lettre. Le Commissaire aux Comptes est également convoqué à cette séance du Conseil. Un extrait du procès-verbal de la délibération du Conseil d’Administration est adressé au Commissaire aux Comptes et à la juridiction compétente (Tribunal de Commerce).
En cas d’inobservation des dispositions prévues aux articles cités ci-dessus ou, si en dépit des décisions prises, le Commissaire aux Comptes constate que la continuité de l’exploitation demeure compromise, il établit un rapport spécial qui est présenté à la prochaine assemblée générale ou, en cas d’urgence, à une assemblée générale des actionnaires qu’il convoque lui-même pour soumettre ses conclusions, après avoir vainement requis la convocation du Conseil d’administration, par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Lorsque le Commissaire aux Comptes procède à cette convocation, il fixe l’ordre du jour et peut, pour des motifs impérieux, choisir un lieu de réunion autre que celui éventuellement prévu par les statuts. Il expose les motifs de la convocation dans un rapport lu à l’assemblée.
Si, à l’issue de l’assemblée, le Commissaire aux comptes constate que les décisions prises ne permettent pas d’assurer la continuité de l’exploitation, il informe de ses démarches la juridiction compétente et lui en communique les résultats.
Dans un délai de six mois à compter du déclenchement de la procédure d’alerte, le Commissaire aux Comptes peut en reprendre le cours au point où il avait estimé pouvoir y mettre un terme lorsque, en dépit des éléments ayant motivé son appréciation, la continuité de l’exploitation demeure compromise et que l’urgence commande l’adoption de mesures immédiates.
Dans le cas d’espèce, vous étiez supposé répondre dans les 15 jours qui suivent la réception de la demande d’explication soit au plus tard le 5 juillet 2015, mais votre lettre de réponse est arrivée bien au-delà du délai exigé par la loi soit le 30/09/2015 ou 3 mois en retard.
En principe, selon la législation, le Commissaire aux comptes aurait dû faire application de l’article 155 de l’AU/SCGIEexposé ci-dessus, qui dispose quele Commissaire aux comptes devrait dans un tel cas inviter le Président du Conseil d’Administration que vous êtes à faire délibérer le Conseil d’Administration pour se prononcer sur les faits relevés.
Pour revenir aux trois questions posées par le Commissaire aux comptes qui sont:
- Dans combien de temps la Société pense-t-elle rembourser les DCT, précisément la dette sociale?
- Pensez-vous que les réserves de la MIBA sont suffisantes pour permettre la continuité de l’exploitation avec ou sans augmentation du capital?
- Quelles sont les stratégies prévues par le Conseil d’Administration pour reconstituer les fonds propres et dans combien de temps?
Les réponses proposées ne nous semblent pas satisfaisantes ni adéquates à notre humble avis, et, c’est malgré la quantité ou la qualité du travail qui a été fait et qui a justifié notre retard pour répondre dans le délai légal. La question qui se pose est essentiellement un problème de moyens (financiers, techniques, de ressources…).
En effet :
- Sans analyse du cash-flow à tirer de ce plan d’urgence (qui ne peut toutefois être mis en pratique sans moyens financiers), on ne peut pas valablement donner des prévisions de remboursement de la dette, quelle soit sociale ou autre.
L’analyse du cash-flow que peut dégager le projet devrait être prise en compte pour que les réponses puissent être plus claires et plus précises.
- Quant au deuxième point, la question posée par le Commissaire aux Comptes concerne les réserves et non les ressources. Quant aux réserves, celles indiquées dans le plan d’urgence sont de l’ordre de 66.000.000 de carats (réserves minières).
Cependant la quantité des réserves seule ne suffit pas car il faut y associer le coût total de production pour en connaître le seuil de rentabilité. C’est par là que l’estimation de la durée de l’entreprise peut être établie. La MIBA devra faire un travail de compression des coûts plus important, une réduction des vols de diamant, le prix de vente en valeur constante diminue au cours de ces 20 dernières années.
La MIBA doit entreprendre l’exploration responsable: la question est de savoir quand la MIBA pourra-t-elle accumuler des capitaux à risque dans ces 10 prochaines années pour financer un programme d’exploration valable?
- Les fonds propres sont étroitement liés au niveau de la dette et de la valeur de l’actif. La stratégie devrait être celle de réduire le niveau de la dette par plusieurs techniques (effacement par négociation avec les créanciers partenaires, moratoire) suivi strict du budget, limitation de la création de la dette par la création de la richesse. Cette dernière ne peut se faire qu’avec des productions au-delà du seuil de rentabilité.
Le niveau de production annuelle de 2.5 à 4 millions de carat dégageront des bénéfices que si un travail énorme de la réduction des coûts sera réalisé.
Sans l’intervention des actionnaires, la continuité de l’exploitation MIBA est sérieusement compromise et donner les réponses qui figurent dans ce document ne serait que rhétorique.
La situation de cessation de paiement que vit la MIBA jusqu’à ce jour ne peut lui permettre d’emprunter qu’ à des couts excessifs, la question cruciale de l’origine de capitaux devant financer le plan n’est pas traitée.
Le moindre mal ou le seul espoir de solution serait de convoquer une réunion d’assemblée générale afin de saisir les actionnaires et les amener à intervenir car, nous ne devons pas nous le cacher, s’ils n’interviennent pas, les trois réponses données au Commissaire aux comptes ne nous permettraient pas de rencontrer ses inquiétudes.
Dans le cas d’espèce, et à notre humble avis, votre réponse et le plan d’urgence tel qu’il est conçu, ne fournissent pas assez d’éléments pour répondre convenablement à ces questions.
Nous pensons que le document devrait s’appuyer sur une étude dégageant le cash-flow attendu de ce plan d’urgence qui, lui-même, devrait être dégagé d’un plan à long terme pour garder suffisamment de cohérence et de visibilité.
Par ailleurs l’insertion des chiffres devrait permettre à notre réponse d’être plus parlante tant vis-à-vis du Commissaire aux Comptes que des actionnaires.
En conclusion, il serait mieux, au regard de l’article 664 et suivant la recommandation du Commissaire aux comptes, que vous convoquiez l’Assemblée Générale Extraordinaire tel que requis, tout en préparant un Plan de Redressement
Le Commissaire aux Comptes a besoin de l’information travaillée pour l’apporter aux actionnaires qui doivent s’interroger::
- si leur affaire peut encore continuer et gagner de l’argent?
- quel sera le niveau du risque qu’ils sont appelés à prendre?
- quelle est la hauteur de la rentabilité de l’investissement qu’ils doivent éventuellement consentir?
L’Etat, Pouvoir Public, tient lui aussi à limiter le danger que constitue les sociétés en état quasi-permanent de cessation de paiement, et s’y intéresse aussi pour y mettre fin ou aider les sociétés à revivre si la possibilité de continuer existe encore.
L’Assemblée Générale Extraordinaire reste un chemin obligé et les préoccupations de différents partenaires doivent rester le centre de nos préoccupations pour satisfaire l’intérêt d’un chacun.
Avec nos meilleurs sentiments.
Jacky Ngandu