Dans la gestion de leurs relations avec la République Démocratique du Congo et son processus électoral en préparation, le fringant Envoyé spécial de Barack Obama pour la région des Grands Lacs, Thomas Perriello adopte une attitude plus attentive aux points de vue des partenaires congolais tandis que le grincheux Jean Michel Dumont, Représentant de l’Union Européenne, s’empêtre dans des oukases qui charrient une position ambigüe et surannée.
Sur le processus électoral en RD Congo, les différents protagonistes de la communauté internationale ne semblent plus émettre sur la même longueur d’ondes. En moins de 48 heures, les représentants de Barack Obama dans les Grands Lacs et de l’Union Européenne en RD Congo ont exprimé des préoccupations tout à fait différentes sur les objectifs assignés par leurs mandants respectifs à l’organisation des scrutins électoraux au pays de Lumumba.
Dans une déclaration rendue publique lundi 12 octobre dernier, la délégation de l’Union Européenne (UE) à Kinshasa a profité de la démission de l’Abbé Malumalu de la présidence de la CENI pour réitérer sa promesse de soutien conditionné au processus électoral en RD Congo. L’UE est disposée à soutenir l’organisation des élections, peut-on lire dans ce communiqué, qui précise aussitôt que pour elle, il s’agit exclusivement des élections législatives et de la présidentielle et pour autant qu’elles se tiennent dans les délais constitutionnels. Dans le même communiqué, il est indiqué que l’UE attend la publication d’un nouveau calendrier électoral et d’un plan de décaissement pour annoncer sa contribution aux opérations électorales qu’elle a choisi de soutenir.
Des conditionnalités qui cachent un refus
Pour la délégation de l’UE, il n’y aura donc pas de soutien au processus électoral si le processus électoral si les autorités congolaises ne se plient pas à ses desiderata de les voir accorder priorité à l’élection présidentielle et aux législatives. Pire, ce soutien est en plus conditionné au fait que ces deux scrutins se tiennent dans les délais constitutionnels, c’est-à-dire avant novembre 2016 ; enfin, pas de soutien européen si le gouvernement rd congolais ne s’engage pas concrètement à financer le processus à travers un plan de décaissement qui tienne compte du nouveau calendrier électoral ainsi réaménagé dont les « maîtres » ne reconnaissent à la CENI que l’accomplissement de la simple formalité de le publier. Trop de conditionnalités au finish, qui jettent le doute sur la volonté des Européens d’assister financièrement la Commission Electorale Nationale Indépendante et la RD Congo dans l’organisation des scrutins.
Rien que sur le choix de certains scrutins au détriment d’autres, l’Union Européenne et le gouvernement de la RD Congo ne devraient pas s’entendre. Parce que l’ordre des priorités n’est pas le même. Si du point de vue de l’UE, qui en cela se rapproche beaucoup de celui de l’opposition politique, la présidentielle et les législatives suffisent pour assurer la démocratisation de la RD Congo, le Président Joseph Kabila et son gouvernement sont d’avis que l’intérêt des populations congolaises réside dans une plus grande participation à la vie nationale, et qu’il n’appartient décemment à aucun partenaire extérieur de lui imposer un autre schéma. Ni lui imposer un ordre de priorités. « Ce partenaire se comporte comme si la RD Congo était sous sa tutelle et qu’il lui revenait de choisir en lieu et place de ses institutions les priorités de l’action publique », s’indigne un conseiller du Président. Des sources gouvernementales interrogées par Le Maximum expliquent, en effet, que l’option prise par le régime au pouvoir à Kinshasa est que le processus de démocratisation engagé depuis 2006 se poursuive par l’élargissement de la participation (et la responsabilisation) des populations aux scrutins qui leur renvoient l’ascenseur, en quelque sorte. De telle sorte que pour le gouvernement, les élections locales, municipales, urbaines et provinciales sont aussi importantes, si non plus que les élections législatives et celle du Président. Dans la mesure où elles réduisent la distance entre les électeurs et leurs élus et permettent une participation beaucoup plus directe à la gestion des problèmes d’intérêt communautaire.
Néocolonialisme
L’autre point d’achoppement entre l’UE et la RD Congo est consécutif à cet ordre des priorités. A quelque 13 mois de la fin du mandat du président de la République et des députés nationaux, tenir l’ensemble des scrutins est quasiment impossible, selon toutes les projections des observateurs sérieux. Si toutes les élections doivent se tenir, il est donc impossible de ne pas déborder des limites fixées par la constitution. Selon l’UE, il suffirait d’organiser la présidentielle et les législatives dans le temps, manifestement. Mais à Kinshasa et en RD Congo, beaucoup n’ont pas oublié ce que valent les promesses mirobolantes des bailleurs de fonds occidentaux en matière électorale. En 2006, ils s’étaient tous éclipsés aussitôt la présidentielle, les législatives et les provinciales organisées, ce qui a plombé toute possibilité d’organiser les élections locales, urbaines et municipales. En 2011, ils se sont retranchés derrière de fumeuses conditionnalités pour ne rien débourser pratiquement pour les élections, contraignant le Gouvernement à financer à plus de 90% les élections législatives et l’élection présidentielle au détriment des autres consultations, ce qui a entraîné des arriérés électoraux vieux de 9 ans pour les provinciales et les sénatoriales et un nouveau renvoi aux calendes grecques des élections locales.
Dans ces conditions, compter sur une promesse de financement électoral de l’Union Européenne peut paraître rien mois que chimérique.
Reste la conditionnalité relative au calendrier électoral et au plan de décaissement des fonds par le Gouvernement. Elle sonne, au mieux, comme une sorte chantage. Ce que l’Ambassadeur de l’UE dit c’est que si le calendrier à publier par la CENI devait prévoir l’organisation de scrutins qui ne plaisent pas à l’Europe, il n’y aura pas d’appui financier de l’Europe. Et que si le gouvernement ne fait pas connaître son plan de financement des scrutins, l’Union européenne se réserve le droit de revenir sur son engagement de participer au financement des élections. Une imposture néocolonialiste de plus.
Le réalisme de l’Oncle Sam
Le même lundi 12 octobre, l’Envoyé spécial du président américain Barack Obama pour la région des Grands Lacs se prononçait à Kinshasa sur le même sujet. Au terme d’échanges sur les défis du processus électoral rd congolais avec le bureau de la CENI conduit par son vice-président, Thomas Perriello qu’accompagnait l’Ambassadeur des USA, James Swan, s’est montré plus réaliste. « Je suis ici aussi pour réitérer notre engagement envers le processus électoral. Cet engagement bien sûr ne se focalise pas sur le jour de l’élection mais aussi tout le processus surtout les mois qui précèdent cette élection et je pense qu’il y a nécessité que tous les congolais aient droit au vote, au scrutin bien sûr. Il y a nécessité aussi au niveau du Fichier électoral qu’une opération de révision et enrôlement des nouveaux majeurs puisse se faire pour que tous les congolais aient droit au vote », a-t-il déclaré, s’écartant des positions à l’emporte-pièce des Européens.
L’émissaire des Etats-Unis a par ailleurs manifesté plus de considération pour la souveraineté et l’autodétermination des Congolais dans la définition des priorités : « Pour ce qui est de la démocratie au Congo, nous demeurons un partenaire fidèle en ce qui concerne la sécurité électorale. Il existe des défis techniques et politiques auxquels la CENI doit faire face. Nous espérons que les différentes parties prenantes pourront s’accorder notamment pour ce qui est de la mise en œuvre d’un calendrier électoral qui pourra permettre au processus d’aboutir », estime-t-il. Cette position américaine constitue de l’avis d’un responsable de l’UDPS approché par Le Maximum, un encouragement à la tenue du dialogue politique inclusif souhaité par ce parti de l’opposition et que le Président Joseph Kabila a décidé d’organiser dans un proche avenir. Les opposants anti – dialogue reçus par Thomas Perriello à l’Ambassade américaine se sont entendus vivement encouragés par celui-ci à reconsidérer leur position car « ce n’est pas au gouvernement américain à se substituer au peuple congolais dans la recherche des solutions aux problèmes qui se posent à leur pays ». Dont acte.
Les préoccupations exprimées par Perriello sur l’aboutissement du processus électoral, la révision du fichier électoral (enrôlement des nouveaux majeurs), et surtout le consensus à rechercher entre les différentes parties prenantes pour la mise en œuvre d’un calendrier susceptible d’aboutir, très réalistes, se rapprochent davantage des options gouvernementales. En cela, l’Envoyé de Barack Obama semble plus respectueux des partenaires rd congolais que Jean-Michel Dumont, l’acariâtre délégué de l’Union Européenne qui se complaît dans le vieux jeu du maître en mission « civilisatrice » sous nos tropiques.
J.N.