Deux sujets d’actualité vont ponctuer notre échange de ce jour, à savoir le faux débat sur la prétendue inconstitutionnalité de la proposition de loi fixant les conditions d’organisation du référendum en RD Congo et la démission d’un ancien gouverneur d’une ancienne province démembrée conformément à la Constitution de la République. (1er octobre 2015)
De la prétendue inconstitutionnalité d’une loi référendaire en droit congolais
Avant d’aborder sur le fond cette controverse qui défraye la chronique, le Gouvernement de la République pose pour le principe la question de savoir si l’empressement de certains de nos compatriotes à voir arriver le jour où ils pourraient faire valoir leurs ambitions légitimes à accéder au pouvoir en participant à la compétition électorale peut justifier que les institutions en place dans le pays soient littéralement paralysées et qu’elles cessent de fonctionner conformément à leurs prérogatives constitutionnelles. La réponse pour le Gouvernement peut être tirée d’une image simple tirée de l’impérissable sagesse de nos traditions, à savoir que le fait pour une maman d’attendre, ou de croire attendre un bébé (puisque nul n’est à l’abri d’une grossesse nerveuse ou d’un avortement, ou d’une fausse couche) ne met pas la famille dans l’obligation de cesser de travailler pour se nourrir, se vêtir, se soigner ou s’abriter des intempéries.
Le débat politique en République Démocratique du Congo est caractérisé par le spectacle inquiétant offert par quelques acteurs politiques qui n’hésitent pas à exiger depuis plusieurs mois une sorte de gel de toutes les initiatives de gestion de la chose publique au motif qu’il faudrait attendre l’avènement (réel ou supposé) des autorités issues des prochains scrutins électoraux pour ce faire. C’est dans cet état d’esprit que d’aucuns, encouragés par des maîtres à penser étrangers mécontents des orientations autocentrées de l’action des dirigeants en place depuis 2011, s’agitent pour noyer dans un tissu de fausses interprétations toute initiative prise pour faire vivre et prospérer notre jeune démocratie.
Les initiatives institutionnelles les plus banales prises dans le strict respect des normes constitutionnelles et légales sont ainsi vilipendées à longueur de journées par des détracteurs de mauvaise foi qui se drapent dans le manteau de défenseurs de la constitution, de la démocratie et de la liberté. Ils profèrent sans vergogne de grossières contre-vérités sur lesdites initiatives en leur accolant systématiquement une nature prétendument inconstitutionnelle ou illégale qu’ils ne prennent même plus la peine de prouver en accusant effrontément leurs auteurs de poursuivre des motivations illégitimes et un agenda caché. Cette situation n’est pas sans rappeler l’ambiance délétère des premières années de l’indépendance lorsqu’une collusion entre des néocolonialistes réfractaires à l’autodétermination de notre peuple et des acteurs nationaux « invertébrés » (appelons-les ainsi) se lancèrent tête baissée dans un véritable lynchage politique et médiatique contre Patrice-Emery Lumumba accusé sans la moindre élaboration d’enfoncer la jeune République dans une dangereuse dérive crypto – communiste. On a su, depuis lors que l’accusation était fausse et qu’il s’agissait en réalité de fournir un soubassement idéologique à la dilution des idées émancipatrices de la majorité lumumbiste, coupable d’empêcher ceux qui se prennent pour les maîtres du monde de recoloniser le pays.
La situation que nous connaissons aujourd’hui n’est pas très éloignée de cette saga des années ’60. Dans tous les systèmes démocratiques de par le monde, il existe généralement deux manières pour le peuple d’exercer son pouvoir souverain et de donner son avis sur les priorités de l’action publique et le choix des animateurs des institutions appelées à matérialiser ces choix : il s’agit de la voie référendaire et de celle de l’élection.
Ces deux modes d’expression démocratique du souverain primaire sont prévues ‘expressis verbis’ par la constitution en vigueur en République Démocratique du Congo qui en son article 5 stipule ce qui suit (citation) : « La souveraineté nationale appartient au peuple. Tout pouvoir émane du peuple qui l’exerce directement par voie de référendum ou d’élections et indirectement par ses représentants. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. La loi fixe les conditions d’organisation des élections et du référendum ».
Notre Gouvernement a été saisi pour avis d’une proposition de loi élaborée par deux députés nationaux qui, selon le mémoire explicatif, ont constaté que si le parlement avait bien légiféré abondamment pour fixer les conditions d’organisation des élections, il n’en est pas de même pour le référendum à l’exception de la loi n°05/010 du 22 juin 2005 portant organisation du référendum constitutionnel en RDC adoptée ponctuellement à l’époque dans le seul objectif de permettre l’adoption de la Constitution de 2006 alors que cette Constitution, adoptée effectivement en 2006 prévoit, le recours au référendum pour décider sur des questions autres que son adoption. Il s’agit notamment des matières relatives :
- A la révision constitutionnelle pour autant que celle-ci n’ait pas été adoptée à une majorité qualifiée au parlement,
- Au transfert de la capitale dans un autre lieu du pays (pour raisons de sécurité par exemple),
- A une cession, un échange ou une adjonction de territoire.
À ces trois cas s’ajoutent d’autres car aucune disposition de la Constitution congolaise de 2006 ne limite de manière définitive le champ d’application ou les matières pouvant faire l’objet d’un référendum, de sorte que le recours au référendum peut avoir lieu sur toute autre matière mettant en cause les intérêts majeurs du peuple congolais ne pouvant être résolue par recours à un mécanisme prévu par la Constitution ou la loi. Il suffit seulement que la loi en fixe l’organisation.
La Constitution ne prévoit pas non plus la période, le mois, le jour ou l’heure où il serait interdit de requérir l’avis du peuple par voie référendaire. On est en droit à cet égard de questionner les fondements de la prétendue inopportunité de l’adoption par les chambres parlementaires d’une loi référendaire.
Nos collègues de l’opposition et leurs nouveaux amis, les dissidents de la Majorité, auxquels vient de se joindre l’ex – gouverneur d’une province défunte dont nous allons parler plus loin, ne disent donc pas la vérité lorsqu’ils s’époumonent à nous faire croire que le référendum n’a été inscrit dans la constitution que pour adopter ou réviser celle-ci. De fait, le référendum est une expression légitime de la souveraineté du peuple dont ces opposants et dissidents ne sont qu’une fraction, une fraction à laquelle l’article 5 de la constitution interdit formellement de s’attribuer l’exercice de la souveraineté de la Nation en lieu et place de tout le peuple.
C’est donc à bon droit que les deux députés nationaux ont pris l’initiative de présenter une proposition de loi pour fixer les conditions d’organisation du référendum en République Démocratique du Congo, un cadre légal permanent semblable à la loi fixant les conditions d’organisation des élections et qui n’annonce nullement l’organisation projetée d’un référendum sur aucune matière que ce soit. Ils en ont le droit conformément aux prérogatives reconnues à chaque député.
Le gouvernement qui a été consulté comme le prévoit la procédure parlementaire, n’a aucune objection de principe face à cet effort au sein de la représentation nationale à combler un vide juridique préjudiciable à l’exercice par le peuple congolais d’un de ses droits fondamentaux. Nous ne pouvons comprendre que certains collègues qui affirment défendre la Constitution dénient à des représentants élus du peuple le droit de prendre une telle initiative, insinuant que leur proposition de loi participerait d’on ne sait quel plan machiavélique qui viendrait s’ajouter à la nouvelle danse en vogue : le glissement contre lequel on observe une condamnation sélective même de la part de ceux-là qui en ont usé et abusé quatre ans durant sans piper mot et qui s’acharnent, toute honte bue, contre un Chef d’Etat et une Assemblée Nationale qui n’ont pas encore pour ainsi dire glissé ne fût-ce que d’une heure par rapport à leurs mandats respectifs.
Dans cet environnement politique délétère où des groupes minoritaires détracteurs du leadership congolais issu des élections de 2011 et leurs inspirateurs étrangers revendiquent avec arrogance une sorte de droit de s’emparer illégitimement des leviers de commande du pays, les Congolais ont le devoir de ramener à la surface leur autodétermination menacée et de se lever pour défendre le droit inaliénable des institutions qu’ils se sont démocratiquement choisies à initier des actions relevant de leurs attributions constitutionnelles et légales.
Il faut en effet prendre garde à ne pas étrangler la République Démocratique du Congo en la privant du bénéfice de ces initiatives institutionnelles susceptibles de contribuer à son plein épanouissement au nom d’une théorie politicienne du soupçon qui ne repose sur aucune donnée factuelle. Interdire aux législateurs, aux députés en l’occurrence, d’avoir l’initiative d’une loi tel que prévu par la constitution, est anticonstitutionnel. Vouloir limiter la possibilité pour le peuple congolais de se prononcer par voie de référendum sur toute question d’intérêt majeur pour lui qui ne serait résolue par des mécanismes constitutionnels et légaux est non seulement anticonstitutionnel mais aussi attentatoire à la démocratie.
De la « démission » d’un ex – Gouverneur d’une province qui n’existe plus.
Nous avons appris, sans surprise, le 29 septembre 2015, le départ volontaire de notre famille politique de l’ancien gouverneur de l’ex-province du Katanga, Mr. Moïse Katumbi. Sans surprise, parce que l’intéressé affichait déjà depuis plus d’une année des postures contraires à la ligne du Gouvernement et de la Majorité Présidentielle à laquelle appartient le parti politique PPRD qu’il quitte avec tintamarre.
En effet, en décembre 2014, alors gouverneur de la défunte province du Katanga, il s’était lancé dans des conjectures douteuses et diffamatoires en reprenant à son compte les intentions fallacieusement prêtées au Président Joseph Kabila par ses adversaires de vouloir violer la constitution de la République. L’intention était manifestement de complaire à certains groupes d’intérêts étrangers qui avaient pris en grippe le Président Kabila, coupable à leurs yeux d’avoir contrarié leur voracité en engageant le pays dans de nouveaux partenariats, notamment avec la Chine.
Quelques mois après, il s’était fendu d’une étonnante déclaration à la presse soutenant que la révision du Code minier pour laquelle le gouvernement de la Majorité à laquelle il disait appartenir se battait pour faire prévaloir les Intérêts Nationaux de la RD Congo face à des puissances économiques et financières étrangères qui exploitent à vil prix les ressources naturelles de notre pays, était inopportune et de nature à décourager les ’’investisseurs‘‘. Il s’inscrira également dans une opposition contre nature et à la mise en œuvre par le gouvernement central des dispositions de la Constitution de 2006 pour laquelle sa famille politique avait fait campagne en 2005 concernant le passage de 11 à 26 provinces qui était à ses contraires à « l’esprit Katangais », ou faut-il dire, à ses intérêts mercantilistes katangais.
Ses prises de position politiquement inconséquentes dont l’énumération n’est pas exhaustive remontent à plus de 6 mois au minimum. Elles révèlent que sa décision de quitter la Majorité et la gestion de la défunte province du Katanga date de plus d’un an, voire plus, avant sa démission tonitruante du 29 septembre répercutée avec une sordide délectation par quelques médias aux ordres des milieux néocolonialistes connus qui semblent bien l’avoir inspirée. À l’examen, les propos contenus dans la lettre de démission de Mr. Katumbi sont démagogiques et cachent mal sa déconvenue d’avoir perdu la qualité de Gouverneur du Katanga, une province qui a cessé d’exister depuis la mise en œuvre par le Gouvernement de la République des dispositions constitutionnelles relatives au passage de 11 à 26 provinces. C’est en prenant conscience de l’inéluctabilité du démembrement de la province du Katanga qu’il considérait, selon plusieurs sources, comme un espace privilégié de déploiement de ses innombrables activités lucratives que cet ancien collègue au sein de la Majorité a décidé d’en découdre avec notre famille politique. Rien de grand ni de courageux à une pareille attitude mercantiliste, loin s’en faut. Excédé par ce comportement égocentrique, le Chef de l’Etat Joseph Kabila s’en était insurgé et l’avait dénoncé en des termes à peine voilés à la fine fleur de l’intelligentsia katangaise réunie en sa résidence de Lubumbashi il y a quelques temps. En lui laissant la possibilité de renouer avec une gestion plus citoyenne et plus disciplinée de son rapport au pouvoir. Force est de constater, hélas, que celui à qui la Majorité avait confié la gestion de la défunte province du Katanga pendant neuf ans s’est laissé aller à caresser le rêve impossible de voir Joseph Kabila accepter de soumettre la Constitution de la République à ses intérêts petits bourgeois dans l’ancienne province du Katanga qu’il a littéralement mise sous coupe réglée. Tout en affirmant sans rire se battre pour la défense de ladite Constitution…
C’est un cadeau que le Président Kabila n’est disposé à offrir à personne, lui qui croit au serment qu’il a fait de respecter et faire respecter le Constitution envers et contre tout.
La vacuité de l’argumentaire à l’appui de la volée de bois vert infligée par l’inconsolable ex – gouverneur à l’endroit de ceux qui l’avaient fait ’’Roi du Katanga‘‘ (pour reprendre les termes d’un film documentaire sur ses aventures politico-financières dans notre riche province cuprifère) saute aux yeux lorsqu’il les accuse d’élaborer une ’’stratégie de glissement des dates des scrutins‘‘ en faisant semblant d’oublier que lui-même avait été élu gouverneur du Katanga en 2006 pour 5 ans et que son mandat à la tête de l’ex – province du Katanga était légalement arrivé à échéance en 2011.
Et on n’a pas souvenir de l’avoir vu alors lever le bout du doigt pour en faire respecter les textes limitant ce mandat en exigeant par exemple de remettre en jeu son mandat qu’il a continué à exercer comme si de rien n’était durant 4 ans de plus, sans avoir été réélu en 2011, soit de 2011 à 2015. C’est ce qui s’appelle glissement, à contrario du Président de la République et de l’Assemblée Nationale qui, eux ont encore un mandat de plus d’un an qui court et qui, de ce fait, sont loin, très loin d’avoir « glissé ». De qui se moque-t-on ?
Cette évocation intéressée et bassement partisane – pour ne pas dire puérilement égoïste – de la constitution et des lois de la République, suffit amplement pour éclairer le reste des propos sans fondement objectif de l’ancien gouverneur. Parce que ni le respect de la constitution ni la démocratisation d’un pays comme la RDC ne peuvent être réduits aux problèmes relatifs au cycle électoral, surtout si, comme le prétend M. Katumbi, « nous ne devons pas ignorer les aspirations du peuple ». En effet, il y a lieu de se demander où et quand le peuple congolais a déclaré que le cycle électoral constituait son problème fondamental, et non pas plutôt l’éducation des nouvelles générations, la paix, la stabilité, l’accès aux soins de santé, bref, l’amélioration de la qualité de la vie de tous.
Les masques sont donc tombés.
A l’évidence, le Gouverneur du Katanga qui démissionne en fait pour la deuxième fois (car comme ses autres collègues des provinces démembrées il était déjà démissionnaire depuis longtemps) verse dans l’amalgame faute d’avoir surmonté la confusion qui semble avoir pris possession de son esprit lorsqu’il confond ses propres intérêts et aspirations avec ceux de l’ensemble de ses anciens administrés du Katanga ou de ses concitoyens. C’est ainsi que lorsqu’il avance qu’« au moment où nous, peuple congolais, entrons dans la dernière ligne droite du dernier mandat constitutionnel du président de la République », c’est de lui et de ses affidés qu’il parle et pas d’autre chose. C’est l’avenir personnel de M. Katumbi qui dépend du cycle électoral à venir et non pas celui du peuple congolais qui se satisfera de n’importe lequel des acteurs politiques avec leurs programmes qui entreront en compétition électorale le moment venu. Prétendre le contraire ne serait qu’un mensonge éhonté.
En fait de mensonges, Moïse Katumbi en aligne au moins trois dans le communiqué rendu public le 29 septembre 2015.
D’abord en prétendant que le gouvernement aurait déclaré manquer de moyens pour respecter le calendrier électoral global. Ou encore que devant la Cour Constitutionnelle, le gouvernement national aurait annoncé que le pays était incapable de mobiliser 2 millions USD pour les élections des nouveaux gouverneurs.
Le Gouvernement de la République n’a jamais déclaré qu’il manquait de moyens pour respecter le calendrier électoral global. Ceci est une affirmation gratuite de Moïse Katumbi qui n’hésite pas, pour assouvir sa vengeance, de tourner les Congolais en bourriques. Tout comme il n’a jamais été question d’incapacité gouvernementale à mobiliser 2 millions USD pour l’élection des nouveaux gouverneurs. Ce dont il a été question, c’est la non-programmation de cette dépense électorale qui, non prévue au calendrier transmis par la CENI au gouvernement pour financement du cycle électoral, n’était pas, et ne pouvait pas être budgétisée.
Les événements présentés par Monsieur Moïse Katumbi, tous récents, ne peuvent pas justifier sa démission du 29 septembre. Non seulement parce qu’ils font l’objet d’une interprétation puérile, mais surtout parce que sa fourberie plonge ses racines dans les intérêts financiers occultes et souvent illégitimes qui ne tiennent aucun compte du peuple de ce pays. Des preuves abondent qui le prouveront le moment opportun.
La preuve de sa duplicité tient notamment au fait que, bien que claquant la porte de la MP, il se garde de choisir son camp. Comme tous les prédateurs sans accointances idéologiques, il veut se donner le temps de flairer l’air du temps pour mieux tromper le bon peuple. Les Congolais en ont vu d’autres. Qu’on se rappelle cet ancien député très médiatique qui s’était acoquiné avec le M23 tout en niant appartenir à cette force négative de triste mémoire.
Nous Congolais avons été assez manipulés par des esprits malins et chagrins dont les affabulations sont généralement cousues de fil blanc. Bien que membre du PPRD, l’ex-gouverneur de l’ex-province du Katanga a toujours frayé avec les 7 dissidents qui ont quitté récemment la MP.
Il est curieux qu’un ténor du groupe des 7 dissidents le présente comme l’un des leurs alors que lui-même s’en défend, affirmant sans rire prendre encore le temps de la réflexion. Si M. Katumbi est sincère dans la prétendue quête de clarté vis-à-vis du peuple congolais à laquelle il appelle dans sa lettre, pourquoi embrouille-t-il le même peuple en n’ayant pas le courage de clarifier son identité politique nouvelle ?
Le peuple congolais mérite plus de respect et attend de savoir ce qu’il en est réellement.
Je vous remercie.
Lambert MENDE OMALANGA
Ministre de la Communication et Médias
Porte-parole du Gouvernement