Elles ont battu le pavé à 3 reprises en l’espace d’un mois, pour revendiquer … la même chose que leurs pairs mâles
A Beni, la capitale administrative et politique du Grand Nord Kivu, les femmes, tout au moins celles qui ont un emploi, une occupation autre que les travaux champêtres ou de ménage, ne dédaignent pas de défiler sur les artères de la ville. A l’occasion de l’une ou l’autre manifestation publique ou festive, particulièrement. Mais depuis plus ou moins un mois, les femmes ont résolument battu le pavé. Pour des raisons politiques avérées. Et ainsi donné de la voix là où habituellement s’expriment les acteurs politiques locaux et les activistes des droits de l’homme et autres animateurs d’organisations dites non-gouvernementales, que l’on trouve en grand nombre dans la région.
Fin avril-début mai 2018, un groupe de femmes réunis sous le label de « Rien sans la femme » ont manifesté devant la mairie de Beni dirigée par le MP Nyonyi Bwanakawa pour exiger la fin des tueries dans la région. Une manifestation organisée quelques jours seulement après que le maire eut échappé à un attentat attribué aux rebelles ADF, de plus en plus actifs dans les milieux péri-urbains et urbains dans cette partie du Nord-Kivu. Mais aussi après que Nyonyi Bwanakawa eût révélé des sms reçus des ADF qui réclamaient des sommes d’argent de certains acteurs économiques dans la région. Une révélation qui venait confirmer l’implication d’acteurs locaux dans les exactions perpétrées par ces terroristes.
Manifester à la mairie pour exiger la fin des tueries à Beni ressemblait donc à une accusation, à une responsabilisation qui ne disait pas son nom. Tout se passe comme si les manifestantes accusaient les autorités des maux qui assaillent les habitants de Beni. D’autant plus que par la suite, aucune de ces « vaillantes manifestantes » n’a demandé des comptes aux destinataires des sms reçus des personnes se réclamant de la rébellion ADF, que le maire de Beni avait présenté à ses interlocutrices devant la mairie de Beni pour dissiper tout doute.
Bien au contraire. Les femmes de Beni, réunies au sein du mouvement « Rien sans les femmes », ont fait preuve de qualités intellectuelles et d’initiatives inouïes, en protestant énergiquement contre les affirmations du journal « Les Coulisses », un hebdomadaire qui parait dans la région depuis plus d’une dizaine d’années. Le courrier adressé au directeur du journal, signé par des membres de l’organisation, était long d’au moins deux pages. Il reprochait au journal d’accuser les femmes de céder à la manipulation et d’avoir échangé leurs larmes contre une chèvre.
A Beni, on en était encore à ces conjectures autour de ces surprenantes capacités à s’organiser pour manifester en public lorsque « Rien sans les femmes » a de nouveau battu le pave. 5 km parcourus pour se rendre au siège de la Monusco, mardi dernier, réclamer l’implication des casques bleus dans la recherche de la paix à Beni. Comme si les onusiens étaient occupés à autre chose ! «Nous n’avons pas voulu que cette journée passe inaperçue en ville de Beni, c’est une occasion pour nous d’interpeller les casques bleus pour qu’ils s’impliquent dans la recherche de la paix à Beni comme ils sont l’œil de la communauté internationale ici chez nous. Voilà pourquoi nous disons que nous sommes fatiguées des tueries à Beni, qu’ils activent leurs batteries pour que la paix revienne à Beni, leur fête nous intéresse moins. Nous voulons que les 15 ans qu’ils viennent de passer ici soient de la paix et non le contraire, sinon ils peuvent commencer à rentrer chez eux», a expliqué, Aimée Kyakimwa, citée par des confrères dans la région.
Trois manifestations à caractère politique et dénonciateur des crimes dans la région. Aucune contre les acteurs socio-politiques locaux pointés du doigt pour leur implication dans le drame de Beni par des enquêtes crédibles. A Beni, les manifestantes se tiennent derrières « leurs hommes ». Pas devant.
J.N.