En Ituri, l’enfer des années ‘2000 semblait de retour début février 2018, avec des tueries des populations civiles innocentes et des incendies de qualifiés un peu trop vite, manifestement, de conflit interethnique.
Samedi 3 février 2018, des assaillants en provenance du groupement Ladedjo du secteur Walendu Tatsi avaient attaqué plusieurs villages alentour de la localité de Blukwa à 70 km au nord de Bunia. Bilan, selon des sources de l’église catholique locale : 30 personnes tuées à la machette, 12 blessés et au moins 600 maisons incendiées. Et les horreurs repartaient de plus belle avec, notamment, des déplacements massifs de populations fuyant les atrocités et un risque sérieux de propagation des atrocités à travers la toute récente province de l’Ituri.
Dimanche 4 février, une nouvelle attaque ciblant la localité de Radju en groupement Utcha (Bahema Nord) s’était soldée par de nombreuses habitations incendiées. Les autorités militaires et policières dépêchées à Djugu affirmaient néanmoins que l’ordre était rétabli et attribuaient les exactions déplorées à une milice non autrement identifiée dont les éléments arboraient des bandeaux rouge ceints autour du front. Ce ne fut pour autant pas suffisant pour endiguer les déplacements des populations apeurées vers Bunia et les localités environnantes. Plus de 2000 avaient pris la direction de Katoto, et 4000 autres vers Drodro et Largu, selon les mêmes sources.
Pour limiter l’extension du conflit, Abdallah Pene Mbaka, le gouverneur de l’Ituri qui s’est personnellement rendu à Djugu a exhorté les populations Hema, principales victimes des tueries, à ne pas céder à l’intoxication et à s’abstenir d’entreprendre toute offensive de vendetta contre les voisins Lendu que d’aucuns pointaient du doigt. Mais le calme rétabli demeurait d’autant plus précaire qu’à Bunia, à 70 km des lieux des tueries, des jeunes Hema s’étaient lancés dans une manifestation de protestation contre les tueries de Djugu en brûlant des pneus sur la Nationale n° 27 à Iga, à 27 km au nord de Bunia.
Dans la région, les commentaires allaient dans tous les sens, y compris contre le pouvoir en place accusé d’attiser les conflits ataviques locaux pour retarder l’organisation des élections. Lundi 13 février, Ocha, la structure humanitaire des Nations-Unies, a fait état de 60 morts à la suite des nouvelles atrocités ituriennes. Des sources humanitaires citées par l’Afp indiquent que plus de 200.000 personnes ont fui ces tueries.
Dépêché par le Président de la République pour témoigner de sa compassion et de celle du gouvernement aux populations meurtries de l’Ituri, le Vice-premier ministre et ministre de l’Intérieur, Emmanuel Ramazani Shadary, est arrivé à Bunia lundi 12 février 2018 après-midi en provenance de Buta via Kisangani. Dès mardi 13 février, il a entamé des consultations avec les principales couches sociales ituriennes en s’entretenant avec le les évêques catholiques de Bunia et Mahagi, les députés nationaux et provinciaux, que les représentants des communautés Hema et Lendu, la société civile et les partis politiques. Objectif de ces conciliabules : dégager des pistes de solution à la situation créée à la suite des tueries de Djugu. Les représentants des différents groupes reçus se sont montrés unanimes sur le fait qu’on ne pouvait nullement parler de conflit interethnique Hema-Lendu parce que les réalités vécues ne l’attestent pas encore. Les leaders des communautés Lendu et Hema qui disent attachés à la cohésion intercommautaire ont appelé à la paix et démenti l’existence d’un conflit interethnique au regard du mode opératoire utilisé par les assaillants.
Mercredi 13 février, Emmanuel Ramazani Shadary s’est rendu à Djugu où il s’est adressé à la population. L’envoyé de Joseph Kabila y a exprimé la solidarité du Gouvernement aux populations victimes des tueries perpétrées par des groupes faisant usage de méthodes terroristes. Le Vice-premier ministre en charge de l’Intérieur a exhorté les populations ituriennes à la paix et la cohésion intercommunautaire et annoncé des renforts militaires ainsi que l’assistance humanitaire du Gouvernement de la République.
B.B.