Dans un étonnant mémorandum qui restera dans les mémoires en RD Congo, les évêques président et vice-président de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) sollicitent l’implication du Chef de l’Etat de la Zambie qui dirige la présidence tournante de la Troika de la SADC sur la politique, la sécurité et la défense, dans le processus électoral à 3 mois des scrutins combinés du 23 décembre 2018. Dans ce que ce groupe de prélats de l’église catholique romaine appelle « Evaluation du processus électoral en République Démocratique du Congo » sont relevés quelques points positifs, 9 au total, qui vont de l’existence d’un fichier audité au début d’affichage des listes électorales. Il énumère le respect des dates clé du calendrier électoral ; la publication des listes provisoires à l’élection des députés provinciaux ; la publication des listes provisoires des candidats à l’élection des députés nationaux ; la publication des listes provisoires des candidats à l’élection présidentielle ; la désignation du candidat du Front Commun pour le Congo (FCC), plateforme électorale du Président de la République en fonction ; le financement progressif du processus électoral par le Gouvernement congolais. Mais les prélats catholiques ne se satisfont pas de ces progrès indéniables, au regard de la même SADC dont les commissions électorales ne tarissent pas d’éloges à l’égard de leur homologue de l’immense RD Congo. Ce ne seront pas de bonnes élections, prédisent ces politiciens en soutane qui ont perdu beaucoup en crédibilité dans le pays, particulièrement après qu’ils se soient égosillés deux ans durant à dénoncer sans la moindre élaboration un complot du gouvernement contre les élections et à appelé subséquemment à l’insurrection, en invoquant le plus sérieusement du monde le projet de Joseph Kabila de briguer un troisième mandat présidentiel consécutif. Ni l’un ni l’autre casus belli brandis avec vigueur n’aura été vérifié dans les faits.
Les croisés de Lusaka
A Lusaka, les prélats ont brandi leurs « inquiétudes » qui vont de l’existence d’environ 6 millions d’électeurs enregistrés dans le fichier électoral sans empreintes digitales à l’éventualité d’un rejet des élections ainsi biaisées par beaucoup de Congolais et par la communauté internationale. Les « hommes de Dieu » s’installent, au vu et au su de l’opinion, sur ce terrain glissant et compromettant du mensonge et de la démagogie propres au commun des politicailleurs. L’existence d’électeurs sans empreintes digitales a été attestée voici plusieurs mois grâce à un audit de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) diligentée à la demande de… la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) elle-même, dans le but de fiabiliser le fichier électoral. Outre que la loi électorale permet la prise en compte de personnes sans empreintes digitales en vertu du principe d’inclusivité des registres électoraux, la question de leur identification a déjà trouvé solution avec l’affichage des listes électorales devant chaque bureau de vote avec photo plus de trois mois avant les scrutins pour vérification par le public. Ce qui permet à l’ensemble des parties prenantes de veiller à la crédibilité du processus et des listes en dénonçant de probables enrôlés fictifs, conformément à la loi. Et plusieurs semaines après le début des opérations d’affichages des listes électorales assorties de photos d’électeurs dans les différents sites, aucun enrôlé fictif n’a encore été identifié par l’Eglise catholique. Toute autre initiative que celle ainsi prévue par la loi à ce sujet ne règle rien et ajoute à la confusion. Mais des lois rd congolaises, il semble que ces princes de l’Eglise-là se fichent éperdument et se placent au-dessus. Il suffit d’appeler le président de la Zambie à la rescousse …
Prédictions humaines … douteuses
Quant aux prédictions douteuses des auteurs du mémorandum relatives au rejet « probable » des résultats des scrutins de décembre prochain par « beaucoup » de congolais et par la « Communauté internationale », elles paraissent de toute évidence plus incitatives que probables, en réalité. Derrière la quantification (« beaucoup ») se cache un véritable bluff : que veut-dire « beaucoup » par rapport à 85 millions des Congolaises et des Congolais ou par rapport aux 40 millions d’entre eux qui ont, pour ainsi dire « voté » pour les élections en s’inscrivant sur les registres de la CENI ? Que la majorité des Congolais adultes ainsi enrôlés pourraient rejeter les résultats d’élections auxquelles ils auront volontairement pris part de manière aussi massive ? Cela n’est possible que si les élus ne sont pas ceux qu’ils auront choisis. Un cas de figure que nul ne peut prédire, surtout pas ces évêques-là, à voir comment ils ont passé ces dernières années à se tromper, à tromper lourdement et à désorienter leurs ouailles comme avec la fameuse « troisième voie », notamment dans l’immédiat après-Conférence Nationale Souveraine dont les objectifs légitimes ne purent être atteints ‘in fine’ que grâce aux… Kabila et leur AFDL !
Proconsuls de la communauté internationale en RD Congo
Reste la fameuse « Communauté internationale ». Mais qu’a-t-elle donc à voir avec les questions électorales d’un pays souverain ? Au Congo-Brazzaville, au Rwanda et en Angola voisin, le pouvoir politique n’a pas changé de main depuis plusieurs décennies équivalentes à plus de trois mandats présidentiels sans que ces ‘deus ex machina’ de la bien-pensante “communauté internationale” que leurs excellences brandissent allègrement ne s’en émeuvent outre mesure. Pourquoi les cieux s’écrouleraient-ils sur la seule RD Congo qui est tout sauf le Sodome et Gomorrhe de l’alternance démocratique au sommet des Etats africains ?
Fridolin Ambongo, Donatien Nshole et ceux qui les suivent assurent aussi s’inquiéter de « la détermination de la CENI à utiliser la machine à voter malgré l’absence d’un consensus des parties prenantes ». Ils font état de la tension croissante du climat socio-politique caractérisé par la faible mise en œuvre des mesures de décrispation politique en insistant sur les « cas emblématiques » d’une poignée d’exilés volontaires et de malfrats ou de fugitifs en délicatesse avec la justice congolaise. Dans cette foulée est fait état, fait nouveau, de « l’exclusion » du processus électoral de acteurs majeurs de l’opposition, en ignorant délibérément les conditions exclusives dictées par la constitution et les lois du pays. « Des élections inconditionnellement inclusives n’existent nulle part au monde. Sinon les mineurs d’âge, les étrangers ou les prisonniers seraient autorisés à y prendre part. De ce fait toutes les élections ne peuvent être qu’exclusives. Ce qu’il faudrait c’est s’assurer que les exclusions sont strictement définies par la loi » rappelle un professeur de sciences politiques. Qui explique que c’est en vertu de ce principe que le président de la République n’a pas pu postuler au ‘top job’ pour une troisième fois consécutive à l’élection présidentielle.
Souveraineté désossée
Les prélats font aussi état de la persistance de l’insécurité dans certaines provinces du pays, du retard à inviter les missions internationales d’observation électorale « pour gagner en transparence et en crédibilité »… Cela a tout l’air d’un appel à de nouvelles négociations et au report des scrutins de décembre prochain auxquels, alors qu’en s’enrôlant plus que massivement, les populations de la RD Congo se sont clairement exprimées en faveur de leur tenue.
Mais c’est le prétexte de la machine à voter qui constitue l’arbre qui cache la forêt. L’ingénierie d’inspiration rd congolaise fabriquée en Corée du Sud n’est qu’une réponse technique au défi de l’organisation d’élections dans un délai difficile, voire impossible, à tenir imposée par l’opposition politique rd congolaise et une partie de la société civile, l’Eglise catholique en tête. Dans un véritable appel à la révolte, les évêques de la CENCO écrivaient en effet, dans un communiqué à l’issue de leur 54ème session ordinaire en juin 2017, que « la sortie pacifique de la crise actuelle exige la tenue des élections présidentielle, législatives et provinciales avant décembre 2017, tel que le prévoit l’Accord politique du 31 décembre 2016». Il est curieux de les voir y revenir dans une tentative incohérente de réviser le défi calendaire imposé dans le but de « mettre le feu à la baraque » sous prétexte de prévenir le glissement du dernier mandat présidentiel de Joseph Kabila. C’est ce que visent les prélats à insinuant la nécessité d’un accord sur l’utilisation de cette machine qui ne souffre jusqu’à présent d’aucune contestation technologique crédible. Seulement des incantations, des présomptions et des procès d’intention peu justifiables.
De nouvelles négociations, encore et toujours
Le reste des arguments avancés par le plaidoyer de la CENCO semble destinés à soutenir de nouvelles négociations politiques avant de permettre aux populations congolaises d’aller aux urnes. Comme cet argument de l’insécurité dans certaines régions du pays, ridicule aux yeux de tous ceux qui dans l’opinion n’ignorent pas que de l’insécurité, il y en a en RD Congo depuis le milieu des années ‘90. Et cela n’a pas empêché l’organisation d’au moins deux scrutins électoraux de grande envergure, notamment en 2006 et 2011.
Même l’argument de la transparence et de la crédibilité électorales par l’invitation d’observateurs internationaux ne tient pas la route. Etant donné que la SADC et l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) sont parties prenantes au processus en cours en RD Congo. Sur ce point comme sur d’autres relatifs au respect des lois rd congolaises et de la souveraineté du pays, les catholiques trahissent leur propension congénitale à maintenir les Congolais sous une tutelle internationale qui ne dit pas son nom.
Le nouveau dialogue prôné par les évêques catholiques et leurs amis occidentaux est une tentative délibérée de dépossession de souveraineté.
J.N.